« UNE TERRE PROMISE » De Barack OBAMA :1- À défaut d’une terre promise, le rêve suffit-il ?
À l’adolescence, le jeune Barack avait la langue bien pendue, et ses grands-parents lui prédisaient, avec cette verve « cacophonique » de devenir juge ou avocat. Mais le petit Barack n’en faisait qu’à sa tête. La famille change de pays et s’installe en Indonésie. Là, il constate la disparité sociale, entre gens aisés et les classes pauvres.

Déjà plus d’un million d’exemplaires vendus et la traduction du livre en 24 langues en moins d’un mois, c’est ce que vient d’offrir au monde l’ancien président des Etats Unis, Barack Obama, en cette fin de novembre 2020. Novembre étant le mois de tous les tumultes politiques, là-bas au pays de l’oncle Sam.
Par un subterfuge propre aux Algériens, j’ai déniché le livre et je l’ai lu avec passion et… la tête sur les épaules. Car il s’agit d’une chronique de 900 pages.
Déjà, le titre donne à réfléchir. Une terre promise. Il ne s’agit pas de « la terre promise » biblique, mais d’un rêve plus qu’une promesse. Comprenez « Le rêve Américain », qui a été, un jour, le pourvoyeur de toutes les intelligences du monde envers et contre tout.
Chapitre premier : De Honolulu à Harvard
Mais avant d’entamer le premier chapitre, voyons voir ce que dit Obama dans la préface du livre : « J’ai commencé à écrire ce livre peu après la fin de ma présidence ─ Michelle et moi étions montés à bord d’Air Force One pour la dernière fois et avions mis le cap à l’ouest pour prendre des vacances longtemps reportées. L’humeur dans l’avions était douce-amère. Nous étions l’un et l’autre épuisés, physiquement et mentalement, pas seulement par le labeur des huit années écoulées, mais aussi par l’issue inattendue d’une élection qui avait vu quelqu’un, de diamétralement opposé à tout ce que nous défendions, choisi pour me succéder. »
Voilà, d’emblée le ton est donné. Barack Obama regrette cette volte-face américaine vers Trump. L’Amérique qu’il a essayée de construire durant ses deux mandats lui échappe tel du sable entre les doigts. Et il en souffre avant même que son successeur mette les pieds dans le bureau ovale. Mais ça, c’est une autre histoire américaine.
Il évoque aussi dans la préface les conditions d’écriture. Comment qu’il avait cru, en premier, qu’il allait terminer cet ouvrage en un an, mais son style d’écriture, narratif détaillé, l’avait finalement contraint à voir défiler les pages sans interruption durant quatre ans et au bout du compte un gros livre de plusieurs centaines de pages (900). Il faut aussi mentionner que la préface a été écrite en plein crise de la Covid-19. Et pour que la profondeur du livre colle avec le titre, Obama n’oublie pas de citer, dès la préface, ses aspirations politiques et philosophiques. Surtout celles qui avaient trait à la liberté et l’égalité entre les hommes. Et il y a cru à cette « possibilité de l’Amérique », « pas seulement au nom des générations futures américaines, mais pour l’humanité dans son ensemble », dit-il.
Mais la réalité américaine, comme il le constatera de « visu », durant tout son parcours à la recherche du rêve américain tant chanté et ré-enchanté, n’est que de la théorie poudre aux yeux. Et il se pose la question : La réalité coïncide-t-elle avec les idéaux de l’Amérique ? La réponse est de toute clarté. Une élection, aussi prometteuse soit-elle, ne peut pas régler l’énigme et l’équation.
Revenons au « pari » de ce premier chapitre. Le lecteur se retrouve dans les dédales de la Maison Blanche. Entre le bureau ovale et les appartements privés se trouve « la passerelle » des jardins. « Pendant huit ans, cette passerelle a encadré mes jours : un trajet d’une minute à pied, à l’air libre, de la résidence au bureau. C’est là, chaque matin, que me saisissait la première gifle du vent glacial en hiver, ou la première bouffée de chaleur de l’été ; là que je rassemblais mes pensées, passais en revue les divers rendez-vous qui m’attendaient, apportais les arguments que j’allais devoir déployer face au scepticisme d’un élu du congrès ou à l’impatience d’un électeur, là que je me préparais à apporter tel choix décisif un jour, telle crise lancinante le lendemain… » (page-12)
Il aura aussi, dans ce début du premier chapitre, une pensée pour les jardiniers de cette passerelle. Il y nommera le plus ancien. Après ce passage de la Maison Blanche et ses jardins, l’auteur Obama scrute son passé familial. Mais de ce passé familial le lecteur n’aura droit qu’à un seul côté parental. Celui de sa mère. Il ne divulguera presque rien de son père, sauf qu’il est Kenyan et qu’il ne l’a vu qu’une seul fois. « Je savais vaguement qu’il (son père) avait travaillé pour le gouvernement Kenyan pendant un temps et, quand j’avais 10 ans, il était venu du Kenya passer un mois avec nous à Honolulu. Ce fut la première et la dernière fois que je le vis ; par la suite, j’eus sporadiquement des ses nouvelles par les lettres qu’il m’écrivait. »
Ses grands-parents maternels sont originaires du Midwest dans le Kansas et de souche Irlando-écossaise. Obama est né le 4 août 1961 à Honolulu la capitale du 50ième Etat de l’Amérique qui est Hawaï. « Après avoir vécu plusieurs années dans des endroits aussi divers que l’Oklahoma, le Texas et l’Etat de Washington, ils (ses grands parents) avaient fini par s’installer à Hawaï en 1960, un an après que l’archipel eut accédé au statut d’Etat… » (Page – 16).
Sa mère s’appelait Ann Dunham qui avait des opinions très ouvertes sur les libertés et les droits des hommes. Elle avait choisi de se marier avec une personne différente presque en tout point de vue pour mettre ses idées « d’ouverture » en pratique, dit son fils « Barry » (surnom que donnait la mère à son fils Barack). Il avait aussi le surnom de « Bar ». A l’adolescence, le jeune Barack avait la langue bien pendue, et ses grands-parents lui prédisaient, avec cette verve « cacophonique » de devenir juge ou avocat. Mais le petit Barack n’en faisait qu’à sa tête. La famille change de pays et s’installe en Indonésie. Là, il constate la disparité sociale, entre gens aisés et les classes pauvres. En plus de cette disparité, son observation aiguë lui permit aussi de constater que : « Tous les gens aimables et honnêtes semblaient toujours finir par se faire avoir ». Ce qui veut dire que les autres, les méchants et les malhonnêtes réussissaient. Là était sa première question existentielle après les disparités sociales. « Je ne parlais jamais à personne de ces réflexions, et surtout pas à mes amis ou a ma famille. Je ne voulais pas leur faire de la peine ou paraître plus singulier encore que je ne l’étais déjà. En revanche, je trouvais toujours du réconfort dans les livres. La passion de la lecture, je la dois à ma mère, qui m’en a inoculé le virus dès l’enfance. »
Après des va-et-vient entre Honolulu et l’Indonésie, le jeune Barack, et après avoir terminé ses études secondaires, s’inscrit, en 1979, à 18 ans, à la faculté de l’Occidental College de Los Angeles. Il s’agit d’une université privée où l’on enseigne « les Arts libéraux ». Dans cette école l’étudiant apprend trois domaines importants qui lui seront utiles dans sa vie sociale et professionnelle. Les sciences, les arts et les sciences humaines. Ses principales disciplines universitaires comprennent la philosophie, la logique, la linguistique, la littérature, l’histoire, les sciences politiques, la sociologie et la psychologie. C’est durant ces deux années à l’Occidental College qu’Obama fera connaissance avec les plus grands auteurs de l’époque ainsi, d’ailleurs, que des écrits de l’Algérien Frantz Fanon. C’est toujours dans cette école qu’il fit connaissance avec des étudiants venus du monde entier.
Après ces deux ans à l’Occidental College, il quitte Los Angeles pour une autre école à New York. « A la fin de ma deuxième année, j’ai donc changé d’université pour m’inscrire à Columbia, une façon pour moi, me disais-je, de prendre un nouveau départ. »
Et quel nouveau départ ! Car la Columbia University est l’une des plus prestigieuses universités américaines. On y compte plus de 100 Nobels comme anciens étudiants. Et beaucoup d’autres titres et distinctions.
« Pendant les trois années que j’ai passées à New York, terré dans une série d’appartement décrépis, ayant plus ou moins coupé les ponts avec mes anciennes fréquentations et renoncé avec mes mauvaises habitudes, j’ai vécu comme un moine. Je lisais, j’écrivais, je rédigeais fiévreusement mon journal, sans presque jamais aller à des fêtes d’étudiants ni même manger un repas chaud. Je me perdais dans des réflexions sans fin, préoccupé par des questions qui s’enchaînaient les unes aux autres… »
En 1983, Obama quitte l’université de Columbia avec son diplôme, non sans avoir fait le plein sur son rêve américain. « Voilà où j’en étais au moment de quitter l’université en 1983, diplôme en poche : de grandes idées et nulle part où aller. Aucun mouvement auquel se joindre, aucun leader désintéressé à suivre… » (Page 27)
Après quelques courts emplois à New York, il trouve enfin un travail au sein d’une association d’Eglises à Chicago dans l’action sociale. Son travail consistait à trouver des solutions pour améliorer la vie de personnes en difficulté ou même des quartiers pour améliorer leur cadre de vie. C’est à Chicago qu’il rentre de plein fouet dans le monde réel de l’Amérique, dit-il. Après plusieurs mois, il trouve que son désir de « changer le monde » est lent et qu’il lui fallait trouver autre chose pour mener à terme son « rêve » de justice. Obama évoque aussi dans cette partie du premier chapitre l’histoire du maire noir de Chicago, mort de lassitude après plusieurs années de labeur pour améliorer les conditions de la communauté noire. C’est surtout l’histoire du maire Harold qui l’incita à « rebooster » sa fibre de justice. Alors, le jeune Obama comprit que pour changer ce qu’il faut changer, il faut d’abord connaître les lois, et pour connaître les lois, il n’y a qu’un seul chemin qui y mène. Harvard !…
Et c’est en 1988 qu’il rejoint la prestigieuse université de droit, là-bas dans le Massachusetts. La prestigieuse université était considérée comme le passage obligé de toute personne à la recherche de la réussite et la renommée. Des dizaines de Nobels, de chefs d’états étrangers et pas moins de huit présidents américains y ont fait leurs études. Et c’est à Harvard que la vie de Barack Obama se verra prendre une nouvelle tournure. Voilà ce qu’il dit sur cette période : « L’enthousiasme compense bien des défauts, comme je le répète sans cesse à mes filles – c’est en tout cas ce qui s’est passé pour moi à Harvard. Pendant ma deuxième année, j’ai été élu à la tête de la Law Review ; c’était la première fois qu’un Noir accédait à ce poste, ce qui a piqué la curiosité de la presse…/… Des propositions d’embauche sont arrivées d’un peu partout. »
Mais encore une fois, au moment d’arriver au but, le voilà qu’il prend une toute autre décision. Laquelle ? Nous le saurons dans le deuxième chapitre.
Chronique de Rachid EZZIAN, parue in Le Chélif N° 367
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Rachid Ezziane
Écrivain, Journaliste & Chroniqueur in Le Chélif