Trait-d'Union Magazine

Un regard critique de Mohamed Koursi sur la presse nationale.

Les Presses du Chélif ont organisé durant les journées du 28, 29 et 30 juin 2021 la première édition du salon de wilaya du livre qui s’est déroulée au niveau du Centre Culturel Islamique. Plusieurs maisons d’éditions d’Alger et de la région ainsi que d’écrivains venant de diverses villes du pays ont participé à ce salon par l’exposition de leurs ouvrages, des ventes-dédicaces et des conférences de présentation.

« JEUX DE POUVOIRS EN ALGÉRIE ET PLUMES REBELLES »

Nous avons assisté à la conférence animée par M. Mohamed Koursi à propos de son livre « Jeux de pouvoirs en Algérie, Plumes rebelles ». Mohamed Koursi est un ancien journaliste qui exerçait au bureau régional d’El Moudjahid d’Oran. Il a été ensuite appelé à Alger en tant que chef de rubrique dans le même journal puis a gravi les échelons jusqu’à devenir chroniqueur-éditorialiste. Il est maintenant en retraite. Il a travaillé en tant que journaliste toute sa vie, c’est donc quelqu’un qui connait bien son sujet. Comme il a exercé tout le temps dans le secteur public, il a eu l’occasion d’assister à la naissance du secteur privé, ce qui fait qu’il a un certain regard critique sur le sujet puisque ce sont ses collègues d’El Moudjahid qui ont lancé El Watan ainsi que les autres journaux. Il a donc assisté à l’orientation prise par la presse privée A l’époque l’action des journalistes était inscrite dans un cadre militant et constructif à savoir l’édification nationale afin de faire évoluer l’opinion plutôt que mercantile.

Ce dernier connait bien M. Ali Laïb, le directeur des éditions « Les Presses du Chélif », qui fut également son collègue à El Moudjahid, c’est grâce à lui qu’il été invité à cette rencontre culturelle. M. Koursi s’est félicité de sa présence au niveau du salon et s’est déclaré très heureux de parler de son métier et également de son livre. Il a démarré son aventure journalistique au journal El Moudjahid qui était rédigée en langue française. A l’époque, il n’y avait que la presse publique, à savoir les quotidiens El Moudjahid, Ech Chaab, En Nasr et El Djamhouria, et les hebdomadaires Algérie Actualité et Révolution Africaine.

Médias et force de l’argent

Avec les événements d’octobre, survint une certaine ouverture dans le domaine de la politique et de l’information. L’on est passé du parti unique au multipartisme et de la presse publique au multipartisme médiatique. Il y eu ainsi la parution de plusieurs titres relevant du secteur privé comme le soir d’Algérie, El Watan, El Khabar, Liberté, le quotidien d’Oran… Ces journaux ont enrichi le paysage journalistique qui était jusqu’alors confiné au secteur public. Malheureusement, cette ouverture médiatique démocratique qui promettait fut immédiatement confrontée à un obstacle historique qui entraina un recul du travail journalistique qui était dû à la décennie noire. Les journalistes étaient traqués, pourchassés, assassinés et se sont donc fatalement confinés dans l’information sécuritaire. La pratique journalistique était réduite.

Après la réconciliation et une certaine stabilité sécuritaire, il y eut une légère ouverture médiatique, mais en même temps survint un autre empêchement, un ennemi invisible, pernicieux, qui a perverti la presse privée : ce sont les forces de l’argent. Le journaliste s’est alors éloigné des normes éthiques. C’est ainsi que durant cette troisième période, lorsque le journaliste a commencé apprendre les règles du journalisme, vint un autre concurrent. Au début, le journaliste était dans le parti unique, puis dans le multipartisme qui a été confronté au terrorisme.

Avec la paix sociale surgit la force de l’argent. Lorsque le journaliste a commencé à maîtriser les règles journaliste survint alors un concurrent beaucoup plus puissant, à savoir les réseaux sociaux, ce qui entraina le recul de la lecture de la presse papier. Les réseaux sociaux ont aussi leurs défauts parce qu’ils ne sont pas forcément animés par des journalistes. Seconde tare et non des moindres, l’instantanéité. L’information est envoyée sans être vérifiée. Or, c’est en prenant du recul que le journaliste professionnel peut être en mesure de donner information crédible, de source et vérifiée.

De militant à scribe.

Pour ce qui est du livre, l’auteur nous apprend qu’il a essayé de comprendre le profil anthropologique du journaliste à partir de la fin des années 1930 jusqu’au déclenchement du « Hirak ». Parce qu’à cette date, il y eut la création de plusieurs partis politiques qui ont préparé la voie à la conscience nationale de l’indépendance. Durant cette période ont paru des journaux qui ont semé dans l’inconscient de l’algérien, l’idée d’une Algérie séparée, autonome de la France. Durant cette période paru le journal « Alger Républicain» qui existe encore de nos jours, mais sous une forme virtuelle. A l’époque, il avait offert la voix, l’image et ses colonnes aux damnés de la terre. Il parlait des déshérités, des paysans, des travailleurs français, juifs, laïcs, chaouis ou mozabites, de ceux que la machine coloniale avait broyés. Il imaginait un tissu social basé sur la fraternité.

Or, la logique coloniale était, elle, construite sur le racisme et un écrasement de la conscience. Henri Alleg, journaliste d’Alger Républicain, fut alors arrêté et torturé durant la guerre d’Algérie, ce qui signifie qu’il y avait une réalité coloniale, historique qui refusait cette cohabitation entre français, juifs ou algériens. On est alors arrivé à la guerre de libération qui était le seul moyen pour arriver à une Algérie indépendante. Il y a eu des journaux qui sont sortis et des journalistes dont certains ont été assassinés et d’autres ont été arrêtés et torturé et d’autres ont survécu.

Il y avait des journalistes français qui avaient le cœur algérien. Il y avait des journalistes qui partaient faire des reportages sur l’Amérique latine, l’Afrique et qui parlaient des mouvements de libération à travers le monde. L’Algérie était porteuse d’une vision révolutionnaire à l’époque. C’était l’époque de la fraternité où les journalistes acceptaient de travailler sans être payés et se cotisaient pour prendre un café.

Qu’est-ce qui s’est passé pour qu’on passe de ces journalistes de valeur à l’image de Mohamed Dib, Henri Alleg, Kateb Yacine qui ont laissé leur empreinte dans l’histoire à des journalistes qui n’arrivent pas à convaincre ? Le livre de M. Koursi essaye de répondre à cette question.

Par Ahmed Cherifi, in LE CHÉLIF HEBDO

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Directeur de la publication de Trait-d’Union magazine. Membre fondateur, Ex-président et actuel SG du CLEF Club Littéraire de l’Étudiant Francophone de l’université de Chlef. Journaliste et chroniqueur à L’hebdomadaire LE CHÉLIF. Membre du jury étudiant du Prix Goncourt choix de l'Algérie 1ère édition. Enseignant vacataire au département de français UHBC.

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