Un pour tous, tous pour un…

La ligne éditoriale est en principe la clé de la cohérence d’un magazine et sa marque de fabrique. Certes ! Poser cette première pierre à l’édifice oblige à mesurer l’ampleur du dessein. Difficile de fixer arbitrairement des choix et des objectifs littéraires et culturels, quand le flux ininterrompu de l’actualité qui s’y reflète, se confond avec l’événement et le non-événement, par le biais des médias. La représentation de l’actualité fait l’histoire de l’actualité elle-même. Ainsi l’actualité dite « brûlante », qui échauffe les salles de rédaction ou les conférences électroniques, n’est que le résultat d’un processus de postures spécifiques à partir d’une information sélectionnée. Le nier serait s’inscrire dans le clan de ceux qui feignent d’ignorer que l’actualité se fabrique avec les médias. Il en est de même dans « la promotion de la littérature et du patrimoine culturel algérien et universel » qui y prennent leurs sources d’inspiration, pour reprendre les objectifs premiers du magazine.
Dans un récent article, un des rédacteurs de « Trait-d’union », Farouk Afounas, rappelle qu’« il est primordial de s’atteler à la promotion du cadre littéraire proprement dit en le dotant d’une éthique et d’une esthétique loin de toute forme de logique pragmatique ». Quand l’échelle des valeurs de l’acte d’écriture s’accompagne à juste raison d’une batterie de phonèmes grecs, l’heure est à la prudence et la réflexion.
Au nom également de quels impératifs, « l’une des voix des nouvelles générations dans le domaine de la culture », comme le précise le magazine, s’exprime-t-elle ? Emanant de quelles sources et fixées par qui ? Choisir des contenus, c’est déjà en exclure et c’est également définir un lecteur-type. Implicitement, ces questions inventoriées sont autant de réponses à considérer, surtout lorsque la parole et l’écrit optent pour le terrain de la publication à grande échelle.
Prudence, objectivité et discernement procèdent donc de cette démarche délicate et quelque peu prétentieuse, s’il en existe, de figer une ligne éditoriale. Elargir le champ de l’écriture ensemble et sur des thèmes communs qui participe de ce prochain magazine « Trait-d’union » relève de nombreux paramètres, les plus louables et les plus exigeants soient-ils, mais dont la portée échappe ensuite aux auteurs. Et c’est par ce glissement de sens et de forme que les textes produits participent de ce concept de création ininterrompu dans le partage.
Dans ce concert dissonant qui peut freiner le projet, une autre question s’impose. Pourquoi écrivons-nous quand tout s’agite autour de nous ? Le savons-nous intrinsèquement et le savoir détermine-t-il des pistes ou des limites à l’expression ? La pratique de l’ordinateur aurait-elle produit une nouvelle vague d’auteurs, malgré l’annonce répétée de l’extinction de la lecture et du livre ? N’oublions jamais que la folle du logis est toujours prête à se travestir d’artifices pour disparaître aussi vite qu’elle est apparue. S’il existe un exemple fameux, celui de Rimbaud produisant ses poèmes les plus célèbres à seize ans. A vingt ans, la source tarie l’incita à parcourir le monde en simple aventurier, loin de la renommée et des milieux littéraires prédateurs de son génie.
N’y a–t-il pas aussi une volonté de légende identitaire enfouie dans le creux de nos subconscients qui préside à cet acte intime et qui prétend à une postérité par le truchement de publications occasionnelles ?
Autant de pistes de réflexion sur cette « Voie Appienne » ouverte par ce magazine, où la circulation des idées doit rester un repère et non un principe, une empreinte et non un système.
Après tout, dans le projet singulier de ce magazine, sans doute une exhortation à donner au plus grand nombre le goût de la belle écriture et à soutenir ceux pour lesquels la plume ou le clavier sont aussi essentiels que l’eau.
Ce magazine inaugure donc son troisième numéro (si on compte le numéro zéro réalisé par des étudiants) et il est apparu impérieux de le positionner par rapport à son contenu et de légitimer son originalité. L’estampille de son titre est de servir en priorité de trait d’union entre la littérature algérienne et universelle, la littérature et la culture, entre la nation et le monde. Chaque œuvre n’est qu’un miroir promené le long de nos chemins d’existence, pour reprendre une expression célèbre. Les légendes anciennes ne font que raconter l’histoire des civilisations passées. Rien n’a changé sous le soleil du règne de la technologie. Juste une accélération aiguillonnée par des machines et une atteinte au silence des étoiles. Telles apparaissent les grandes lignes du projet. Ces passerelles sont inévitables et indispensables pour comprendre davantage « le monde en guerre » contre lui-même, expression courue avec l’arrivée du virus nouveau, dernier épiphénomène parmi les maux contagieux, les plus terrifiants de la planète. Et derrière le masque indispensable à la préservation de l’espèce, la respiration continue de chercher son oxygène.
Dans ce contexte particulier, cet exposé n’a pas la prétention d’être le pitch du concept «Trait-d’union », d’autant que les deux minutes réglementaires du concept de sa lecture sont dépassées. A fortiori, pas de start-up à l’horizon pour le porter, à déplorer ou non, juste des bonnes volontés à la plume noctambule et diurne. L’angle d’attaque de ce pari littéraire et culturel est loin d’être complet et la mise en œuvre en devenir constant. Cependant l’idée qui préside à cet échange émulateur est réalisable, le précédent numéro le confirme.
Dans cette prime nouveauté, nous vous encourageons à lire le magazine « Trait-d’Union » pour le partager à volonté. Le monde de la littérature et de la culture vous en sera infiniment reconnaissant.
Jacqueline Brenot
Pour le magazine « Trait-d’Union : Magazine Littéraire et Culturel ».
Jacqueline Brenot est née à Alger où elle a vécu jusqu’en 1969. Après des études de Droit, de Lettres Modernes et de Philosophie, elle devient Professeur Certifié de Lettres en Lycées, Collèges et Formation Adultes du Greta à Paris et dans la région parisienne. Conceptrice et animatrices d’ateliers d’Écriture et de Théâtre et de projets nombreux autour de la Citoyenneté, Jumelage de villes, Francophonie. Plasticienne avec le groupe Lettriste d’Isidore Isou. Assistante de projets de l’Astrophysicien et Plasticien, feu Jean-Marc Philippe (www.keo.org). Auteure de nouvelles et poèmes inédits, elle a publié « La Dame du Chemin des Crêtes-Alger-Marseille-Tozeur» chez L’Harmattan en 2007,dans la collection « Graveurs de Mémoire ». Participe à des ouvrages collectifs, comme « Une enfance dans la guerre » et « À L’école en Algérie des années 1930 à l’Indépendance » chez les Éditions Bleu Autour. Des nouvelles et de la poésie à la « Revue du Chèvrefeuille étoilée ». Chroniqueuse à l’hebdomadaire Le Chélif depuis février 2018, a publié « Œuvres en partage » Tome I et II, présentés au SILA 2019 à Alger.
Jacqueline Brenot
Jacqueline Brenot est née à Alger où elle a vécu jusqu’en 1969. Après des études de Droit, de Lettres Modernes et de Philosophie, elle devient Professeur Certifié de Lettres en Lycées, Collèges et Formation Adultes du Greta à Paris et dans la région parisienne. Conceptrice et animatrices d’ateliers d’Écriture et de Théâtre et de projets nombreux autour de la Citoyenneté, Jumelage de villes, Francophonie. Plasticienne avec le groupe Lettriste d’Isidore Isou. Assistante de projets de l’Astrophysicien et Plasticien, feu Jean-Marc Philippe (www.keo.org). Auteure de nouvelles et poèmes inédits, elle a publié « La Dame du Chemin des Crêtes-Alger-Marseille-Tozeur» chez L’Harmattan en 2007,dans la collection « Graveurs de Mémoire ». Participe à des ouvrages collectifs, comme « Une enfance dans la guerre » et « À L’école en Algérie des années 1930 à l’Indépendance » chez les Éditions Bleu Autour. Des nouvelles et de la poésie à la « Revue du Chèvrefeuille étoilée ». Chroniqueuse à l’hebdomadaire Le Chélif depuis février 2018, a publié « Œuvres en partage » Tome I et II, présentés au SILA 2019 à Alger.