Trait-d'Union Magazine

Sortie du nouveau livre de Farida SAHOUI : « Sur les traces des kabyles exilés en Tunisie »

EN EXCLUSIVITE – « Le traité de Bardo (1881-1930) marque une autre vague de kabyles en Tunisie après celle de 1871 »

Trait-d’Union Magazine : Avec votre nouveau livre, vous venez de consacrer deux récits à la thématique des exilés kabyles en Tunisie. Pensez-vous qu’elle mérite qu’on s’y penche encore plus ?

Farida SAHOUI : Je pense que oui, vu le nombre de personnes qui me contactent, soit pour en témoigner et en savoir plus ou carrément pour explorer de nouvelles pistes ! En effet, beaucoup, d’ici ou de Tunisie, sont exaltés pour me donner par exemple des noms de familles, proches ou alliés, qui sont aussi touchées par l’exil, dont certaines sont revenues et d’autres restées sans nouvelles ; une sorte d’invitation pour s’y pencher… 

C’était la même chose avec la sortie de mon premier livre en 2017. A l’époque, beaucoup de lecteurs et de personnes avec qui j’ai eu l’occasion de discuter sur ce sujet m’ont dit que le fait de parler des kabyles de Tunisie est en soit un thème nouveau qu’il faudrait appréhender sérieusement pour en savoir plus. Chose que j’ai faite, d’une manière naturelle et spontanée ; et le résultat est là !

Et tout dernièrement, depuis l’annonce de la sortie de mon livre sur les réseaux sociaux, plusieurs gens voulaient apporter leur contribution pour la joindre à la mienne. Cela dit, le travail que je viens de réaliser sur les kabyles exilés en Tunisie n’est pas encore achevé, et j’en suis sûre que beaucoup reste à faire…

Par ailleurs, j’estime que d’autres contributions et travaux, scientifiques ou académiques, méritent d’être menés pour s’intéresser de plus près à notre communauté oubliée jusqu’à présent afin de nous éclairer davantage sur une période importante de notre histoire. Le temps presse, des mémoires vivantes risquent de s’éteindre à tout moment, et c’est toute une partie de nous qui disparaîtra avec malheureusement !

Si on doit comparer justement votre dernier livre avec le premier, que diriez-vous aux lecteurs ?

Effectivement, la comparaison serait vite faite entre les deux ouvrages, en particulier par ceux et celles qui ont lu mon premier livre ; j’estime qu’il est important de lever l’équivoque. Pour cela, j’ai pris le soin d’expliquer dans l’introduction de mon présent ouvrage le lien qui pourrait exister entre les deux ; mais aussi, les lignes de démarcation entre le premier et le second et la valeur ajoutée de ce dernier. Je tiens juste à préciser que les personnes rencontrées en Tunisie sont ma source initiale et leurs témoignages constituent la matière première de mon travail. Les deux traitent le déchirement, la loyauté à la patrie, l’attachement à l’identité et la sauvegarde du patrimoine.

Pour répondre à votre question, je dirais que la présente édition est une continuité de la précédente, mais je tiens à avouer qu’au départ il n’était pas prévu de faire une autre édition. Le premier livre, sorti en 2017, avait son propre contexte et c’était juste un hommage que je voulais rendre à de simples gens que j’ai pu rencontrer en Tunisie, notamment les ZOUAOUI et les AMRAOUI, mais aussi à la famille AMROUCHE de par son héritage culturel.

Mais, par la force des choses, et en découvrant plus de données liées à ce thème, fruit de rencontres, lectures et contacts d’ici et là, cela m’a poussé à enrichir mon travail, à le développer et à chercher encore pour l’améliorer davantage. Ne pouvant cacher leur complémentarité, ce présent travail se veut donc une suite « naturelle » du premier qui n’est plus disponible sur le marché faut-il le signaler !

Ceci étant dit, dans « Sur les traces des kabyles exilés en Tunisie » on y trouve de nouveaux chapitres relatifs à l’histoire, à la politique, à la culture, à la guerre et tout ce qui a marqué la vie quotidienne des kabyles exilés en Tunisie. J’ai été interpellée et profondément touchée par leur histoire. J’ai suivi leurs traces pour savoir ce qu’ils sont devenus, partager leur douleur, leur peine et leur sentiment d’éloignement ; connaître leur vécu et chercher les raisons de leur exil ; mettre en valeur leur apport à la société tunisienne ; et enfin, leur rappeler et leur faire connaitre leurs origines et leurs racines… C’est l’objet de mon présent livre qui porte bien son titre !

Brièvement, et en exclusivité si vous le voulez bien, que peut-on trouver d’inédit dans ce présent récit, que ce soit par rapport au premier ou bien en lien avec la thématique ?

De prime abord, je peux dire que l’horreur de la colonisation et l’atrocité de ses crimes que des familles entières ont dû subir raisonnent toujours entre les lignes de mon ouvrage qui contient beaucoup de choses nouvelles, par rapport au premier, et d’autres effectivement inédites.

À titre d’exemple, tout un chapitre est consacré au traité de Bardo (1881-1930) qui marque une autre vague de kabyles en Tunisie après celle de 1871. J’ai évoqué l’époque du Bey et celle de Bourguiba, et grâce aux discussions échangées, on peut trouver des témoignages sur la relation de la Tunisie officielle avec les kabyles et la place qu’ils occupaient dans la société sous les différents régimes politiques qu’a connus la Tunisie.

La guerre de libération, telle que vécue de part et d’autres des lignes « Challe et Morice », est racontée par « Ammi Laid », un centenaire rencontré en Tunisie que j’ai cité de passage dans mon premier récit. J’ai partagé aussi ce que j’ai découvert dans le sud tunisien suite à ma rencontre avec les berbères de là-bas. J’ai alimenté mon livre par des photos souvenirs des familles algériennes et tunisiennes prises dans un cadre familiale et social bien précis.

Enfin, je me suis intéressé au retour de certaines familles après l’indépendance, notamment la famille Amyoud d’Azazga (Tizi-Ouzou), qui a bien voulu en témoigner. J’ai rapporté aussi mes différents déplacements en Tunisie, au village d’Ighil Ali (Bejaia), terre des AMROUCHE, ainsi que les deux séjours de la famille ZOUAOUI en Kabylie, plus précisément chez nous à Azazga.

Toutefois, c’est ma correspondance avec Abdelaziz ZOUAOUI « Ammi Azzouz », publiée en exclusivité en avant-propos, qui constitue le lien ombilical entre les deux récits qui traitent, tous les deux, de l’exil forcé de notre communauté établie en Tunisie.

On remarque que vos travaux ont une dimension historique : deux récits sur les kabyles de Tunisie et un essai sur le roi Jugurtha. Un mot sur l’importance et la nécessité du travail de mémoire ?

C’est vrai ; je me retrouve bien dans le travail de mémoire et, effectivement, je pense que mes travaux sont tous liés en quelque sorte et tournent autour de l’histoire et de l’identité. Ceci est dû au fait que je sois passionnée d’histoire et, surtout, sensible et préoccupée par la question identitaire, faut-il le rappeler !

De ce fait, je ne peux qu’écrire sur mes origines, sur ma communauté, sur mes ancêtres et sur tous ceux qui ont marqué ou subis notre destin ; il y a énormément de repères identitaires et civilisationnels qu’il faudrait bien réhabiliter et sauvegarder… Personnellement, c’est avec un sentiment de devoir accompli et une grande fierté que je consacre mes travaux d’écriture à Jugurtha, Takfarinas, Dihya,… et autres. Ce n’est que par l’écrit que je peux exprimer ma reconnaissance et rendre hommage aux femmes et aux hommes qui nous ont assuré une vraie gloire.

Ecrire sur la mémoire est très important pour moi, c’est un acte fort contre l’oubli, un rempart contre les différentes politiques de destruction et d’aliénation. Il y a des enjeux socio-culturels énormes qui nous guettent et qui peuvent s’abattre sur nous et nuire à notre épanouissement et porter atteinte à notre existence même ! Notre culture est tout le temps menacée, et presque tous les problèmes qu’on vit aujourd’hui sont liés justement à l’absence d’écrits objectifs sur notre histoire, celle de notre peuple, de notre pays et celle de l’Afrique du nord en général.

Propos recueillis par Hamza SAHOUI

BIO EXPRESS :

Farida Sahoui, née en 1972 à Azazga, en Kabylie (Algérie), diplômée d’un BTS en tourisme-hôtellerie de l’Institut National des Techniques Hôtelleries et Touristiques de Tizi-Ouzou (INTHT), promotion 1994-1996. Elle a toujours vécu la question identitaire comme un souci quotidien depuis son jeune âge, ce qui l’a conduit à la lecture puis à l’écriture et la publication d’articles de presse dans sa langue maternelle. Elle écrivait souvent pour elle des textes inachevés. Elle a suivi des cours de Tamazight avec l’association « Amusnaw » et a obtenu des prix avec les associations « Agraw Adelsan Amazigh » et « Numidia », durant les années 90. A cette époque-là, elle avait fait un petit passage dans la presse écrite en langue maternelle et quelques tentatives en langue arabe.

Depuis 2015, elle a renoué avec sa plume et est passée à l’édition en 2017. Elle a déjà signé deux ouvrages aux dimensions historique et symbolique : un récit sur les Familles Kabyles d’Algérie en Tunisie (2017) et un essai sur le Roi Jugurtha en trois langues (2018-2019). « Sur les traces des kabyles exilés en Tunisie » est son troisième livre (2021).

Auteur

Interviews

Interviews

« J’écris parce que je ne sais pas pleurer autrement », Yasmina Hamlat, auteure de « Dieu est mort »

Etudiante en littérature française, originaire de Béjaia, en Kabylie, Yasmina Hamlat, a signé son premier livre sous le titre « DIEU EST MORT », aux mots fignolés qui interpelle le monde. Sorti le 05 janvier dernier aux éditions Sydney Laurent (France), « DIEU EST MORT » est un recueil de quatre nouvelles, qui a pour quête principale la libération de la femme.

La création de mode au service d’une cause

À l’occasion de la journée internationale des droits de femmes, nous vous proposons de découvrir le travail de la jeune créatrice de mode tunisienne Sarah MANAI qui défend plusieurs causes avec enthousiasme et sincérité. Ses créations s’inscrivent dans l’économie de la matière, la consommation, la mise en valeur de la richesse patrimoniale, la promotion culturelle, la recherche du poétique et de l’authentique, l’audace décalé et la sensibilisation à la cause de la diversité et de l’inclusivité dans ce domaine.

Farida SAHOUI, Auteure Algérienne : « À travers l’écriture, on peut se libérer, renaître et avancer »

Elle a toujours vécu la question identitaire comme un souci quotidien depuis son jeune âge, ce qui l’a conduit à la lecture puis à l’écriture et la publication d’articles de presse dans sa langue maternelle. Récemment, après une longue traversée de désert, Farida SAHOUI renoue avec sa plume pour signer deux ouvrages aux dimensions historique et symbolique…
À cette occasion elle a bien voulu répondre à quelques questions :

Femme tunisienne, académicienne et écrivaine : entretien avec Monia Kallel

Par: Amal Latrech est doctorante en littérature française qui consacre ses recherches à l’écriture de femmes et au discours paratextuel. Elle s’intéresse, également, à l’égalité femme-homme et au militantisme politique et social. Elle est diplômée en pédagogie du Fle de l’université de Rouen et enseigne le français langue étrangère à l’institut français de Tunisie.

Interview avec Rochelle Potkar

Rochelle Potkar est poète et nouvelliste. Elle est l’auteure de Four Degrees of Separation et Paper Asylum – sélectionné pour le Prix littéraire Rabindranath Tagore 2020. Son film poétique Skirt a été très remarqué. Son recueil de nouvelles Bombay Hangovers vient de paraître. La nouvelle « Honneur » est extraite de ce livre.
Rochelle a été en résidence d’écriture aux États-Unis en 2015 dans le cadre de l’International Writing Program en Iowa. Elle obtenu en 2017 la bourse d’écrivain Charles Wallace de l’Université de Stirling en Grande-Bretagne. Elle a fait des lectures de ses poèmes en Inde, à Bali, aux États-Unis, à Macao, en Grande-Bretagne, à Hong-Kong, en Hongrie, au Bangladesh et en Côte d’Ivoire.
https://rochellepotkar.com

Sur le chemin de Hadia Decharrière: écrire pour partir

Dans ce troisième numéro du magazine culturel Trait-d’Union traitant des femmes qui écrivent aujourd’hui, j’ai choisi de vous faire découvrir le parcours d’une jeune romancière d’expression française dont le parcours est d’une beauté toute particulière : Hadia Decharrière. Née au Kuwait de parents syriens, française d’adoption et d’amour, la jeune écrivaine est diplômée d’un doctorat d’État en chirurgie dentaire en 2004 et d’une licence en psychologie de l’Université René Descartes Paris V. Elle a à son actif deux romans et le troisième est en cours de réalisation. Le premier s’intitule Grande section paru aux éditions JC Lattès à Paris en 2017 et dans lequel elle nous fait voyager dans son passé en relatant une partie intéressante de sa vie en nous permettant ainsi de découvrir, avec elle, les souvenirs de son enfance marquée par le mouvement, le changement, les déplacements entre la Syrie et les États Unis et surtout par la mort de son père quand elle a, à peine, six ans. Arabe (2019) est le titre de son deuxième roman paru chez la même maison d’édition après deux ans. Une histoire qui nous dévoile la journée d’une jeune blonde aux yeux bleus, parisienne comme notre romancière, qui se réveille du jour au lendemain en parlant parfaitement arabe, en pensant en arabe et en ayant tout un mode vie imprégné par la culture arabe. Dans un mélange de peur et de fascination, le lecteur suivra la narratrice dans sa quête identitaire et dans son enjeu polyphonique et son jeu d’interférence!
Si vous ne connaissez pas encore Hadia Decharrière, ou pas assez, venez découvrir avec moi comment elle a répondu à mes questions sur son expérience dans l’écriture et quelles étaient ses conseils pour les autres jeunes écrivaines d’aujourd’hui !

Le digital au féminin

« J’ai eu le plaisir d’interviewer Olfa Dabbebi, une jeune illustratrice et designer graphique qui a fait preuve de beaucoup de courage et de détermination pour vaincre sa maladie et pour se prouver dans un domaine qui essaie de se faire une place en Tunisie.
Je vous laisse lire et contempler les tableaux de notre artiste atypique, et j’espère avoir pu vous transmettre le plaisir que j’ai eu lors de la préparation de cette interview. »

Interview exclusif de Lynda-Nawel TEBBANI par Jacqueline Brenot : Une nouvelle approche du roman algérien contemporain

Lynda-Nawel TEBBANI est l’auteure de deux romans « L’éloge de la perte » et de « Dis-moi ton nom folie », mais elle est également Docteure et Chercheure en Lettres. Ses travaux exceptionnels se consacrent à « l’algérianité littéraire » et à « l’algérianité artistique ». Elle a accepté de répondre à ces quelques questions pour « Trait-d’Union » et nous l’en remercions vivement.

MAAMAR LARIANE, ÉCRIVAIN : « Il faut des tentatives plus hardies pour faire aimer la lecture »

Dans cet entretien accordé à l’hebdomadaire LE CHÉLIF (N°6 janvier 2014), Mâamar LARIANE revient sur ses deux romans publiés à compte d’auteur aux Éditions Dar El Gharb. Les faits qu’il relate et les personnages qu’il met en scène sont fictifs, mais ont quelque part prise sur la réalité de la société algérienne. Quitter son patelin provincial ou fuir son douar pour se faire une situation dans une grande métropole, c’est le rêve commun de milliers de jeunes qui tentent de se libérer du poids des servitudes… pour finir dans les griffes de la ville.


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