QUAND LA LÉGENDE TRAVESTIT LA VÉRITÉ HISTORIQUE
LA FÊTE DE IANAÏR EST ATTRIBUÉE À UNE VICTOIRE BERBÈRE SUR LES PHARAONS D’ÉGYPTE

Servir l’amazighité, c’est lui rendre la part d’histoire qui lui revient. C’est aussi la protéger des légendes et des fables flatteuses qui se donnent pour vérités sans s’appuyer sur des preuves. Un peuple en quête de son passé est constamment exposé à la tentation d’orgueil qui lui dicte de retenir de son passé ce qui l’exalte, et de faire silence, ou de falsifier, voire même de nier ce qui le rabaisse. Il est pourtant de fait établi que les peuples tirent de leurs misères des leçons plus édifiantes que celles du triomphe et de la gloire. Croire le contraire c’est se vouer à de cruelles déconvenues. Faute de vérifier le bien-fondé de ses orgueils, de prendre la mesure exacte de sa force, un peuple se condamne à se retrouver, un jour, livré sans ressource, à la cruauté de l’histoire vraie. C’est le cas du monde arabe. Pendant des siècles et parce que personne n’osait briser l’illusion consensuelle, il s’est donné pour l’artisan irremplaçable de toutes les victoires militaires, de tous les exploits techniques, de tous les triomphes intellectuels. On voit aujourd’hui, de Tunis à Bagdad, en passant par l’Egypte et la Syrie, de quel prix tragique il paie ses anciennes vanités… C’est contre une tentation d’orgueil analogue que je veux, aujourd’hui, prévenir l’amazighité. Depuis que la fête de Ianaïr a repris publiquement sa place dans nos foyers, une légende s’est greffée sur elle. Cette légende est en passe de s’installer comme vérité historique. Signe d’une première fascination pour soi, elle veut que Ianaïr soit la commémoration d’une victoire remportée par un roi berbère nommé Chachnaq sur un pharaon égyptien. Les dates de cette victoire sont variables d’une source à l’autre. Les unes la situent 950, les autres 2300 ans avant J.C. Le mois de Janvier (Juanuariu en grec et en latin) a été créé en dehors de ces deux dates (entre 715 et 612 avant J.C.) Quand bien même le personnage de Chachnaq aurait existé, il ne saurait se relier par aucun biais que ce soit à ce mois et à cette fête dont il faut rappeler qu’ils ont été romains avant d’être méditerranéens et berbères.
Par K.Bouali
Rédaction