Trait-d'Union Magazine

L’éloge du patrimoine dans Mistiriijo la mangeuse d’âmes de Djaili Amadou Amal

Goggo Aissa avait fait de sa vie un enseignement pour tous et aucun de ses compatriotes, homme ou femme, ne pourrait jamais l’oublier. Si malgré les épreuves subies, elle n’avait jamais perdu espoir, alors la notion même de cet espoir était une leçon de courage pour tous.

« Si tu y crois, tu crois à un mensonge et si tu n’y crois pas, tu te réfutes une vérité ». -Proverbe peul-

Djaili Amadou Amal, Mistiriijo ; la mangeuse d’âmes.

La littérature camerounaise francophone à l’instar de toutes les littératures subsahariennes se donne pour mission de préserver l’identité nationale de toute forme de perdition. Ainsi des écrivains tels que Mongo Béti, Calyxthe Beyala, Eugène Ebodé et tout récemment Djaili Amadou Amal puisent dans leur patrimoine afin de dire le quotidien camerounais et faire revivre l’héritage ancestral.  Les quatre romans de cette dernière représentent une invitation à visiter le Cameroun à travers la sagesse peule des Maroua qu’elle utilise afin de dénoncer les multiples souffrances de la femme camerounaise au sein de la société.

Djaili Amadou Amal a publié son deuxième roman Mistiriijo ; la mangeuse d’âmes en 2013. Ce récit  se présente comme un conte peul qui se déploie sous forme de deux longs chapitres qui s’alternent et qui racontent en même temps le passé et le présent d’une femme camerounaise nommée Aissatou et surnommée Goggo Aissa. Dès le titre la romancière met les lecteurs en contact avec les croyances peules et la langue qui les véhicule ainsi Mistiriijo est un mot peul qui signifie « sorcier » ou un être maléfique qui s’empare de l’âme des enfants. Autrement dit un être doté de « mauvais œil » qui plonge l’enfant dans un état comateux. Notons que Les Peuls sont un peuple établi dans toute l’Afrique de l’ouest.

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Le projet de la réappropriation identitaire ne s’arrête pas au niveau du paratexte mais se poursuit jusqu’à l’intérieur du roman. Ceci car Djaili Amadou Amal fait l’éloge de la richesse ancestrale en ponctuant chaque idée par un proverbe peul. Et afin de témoigner de la grande sagesse du peuple auquel elle appartient, la romancière transcrit les proverbes en langue peule, les traduit en langue française et en donne la signification à chaque usage dans le roman comme suit :

  • Le proverbe en peul : « Mo kurguda nyiiye, yakkete aawdi »
  • La traduction en langue française : « C’est celui dont tu as soigné les dents qui  va exterminer tes semences ».
  • Explication : «Un bienfait n’est pas toujours reconnu ».

Ceci afin d’offrir une seconde vie au patrimoine culturel peul et inciter l’ensemble des lecteurs à faire connaissance avec cette richesse orale.        

Outre les locutions proverbiales, Djaili Amadou Amal parsème son texte par des mots parfois empruntés à la langue arabe (wa alaika salam), et d’autres fois au peul camerounais (saare, zawleeru, siiri, sarado, Modibbo,..).

Aussi elle mentionne quelques refrains de la chanson traditionnelle peule déclamée par les enfants camerounais dès que la pluie commence à tomber.

En somme Djaili Amadou Amal honore bien son titre d’ambassadrice de l’UNICEF et celui de détentrice du Goncourt des Lycéens (2020). Car dans ce roman, en plus du fait qu’elle se fasse porte- parole de la femme camerounaise qui souffre souvent de la polygamie et d’autres maux socio-culturels.Elle se donne comme mission aussi de faire l’éloge du patrimoine non- matériel ancestral.

Ceci en se servant de l’écriture sous forme de conte, des proverbes et des langues employées au sein de la communauté peule camerounaise. Sans omettre l’omniprésence du griot qui est considéré comme étant un conservateur des traditions orales et de tout ce qu’elles véhiculent comme sagesse et richesse. Il est donc « un passeur de culture et de tradition » entre les différentes générations.

Djaili Amadou Amal fait partie des romancier(e)s qui partagent le patrimoine ancestral avec les lecteurs pour préserver la mémoire du peuple peul et afin que cet héritage soit ancré dans l’esprit de tous les Africains.

Soumeya BOUANANE

Maitre – assistante, Université BLIDA2.

Bio/Bibliographique :

Maitre assistante au département de Français à l’université Blida2. Elle a participé à plusieurs colloques portant sur les littératures francophones. Elle s’est faite publier dans le journal irakien « ELMOTARDJIM EL IRAKI » (le traducteur irakien) et elle a contribué à plusieurs ouvrages collectifs et revues scientifique :

  • Les écrivains maghrébins francophones et l’Islam. Constance dans la diversité. Sous la direction de Najib Redouane.
  • Les franco- MAGHRÉBINES AUTRES VOIX/ÉCRITURES AUTRES. Sous la direction de Najib Redouane
  • Dictionnaire des écrivains algériens de langue française (1990- 2010) sous la direction de Pr. Amina Bekkat.
  • La Revue algérienne des lettres (Vol5 N°1)

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