Le sel de la plume
Depuis que les hommes ont inventé l’écriture, et ensuite avec l’écriture ils ont fait l’Histoire, et cette dernière les a aidés à revisiter leur passé et à mieux vivre leur présent, et à la fin, pour parler de leur passé et présent, mais aussi pour exprimer leurs sensations et émotions, peut-être aussi pour deviser de leurs bonheur et chagrin, leur désarroi et malheur, leurs guerres et paix, alors ils ont inventé le roman. Ainsi, au fil des ans, le roman est devenu le genre littéraire le plus lu.

Et de nos jours, il y a plus de romans qui se vendent dans le monde que tous les autres genres réunis. Car il y a autant de romans que de choses dans la vie. Si on compte ses dérivés, comme la nouvelle, le récit, la poésie, la biographie, le théâtre, etc., on arrivera à faire le tour de ce qu’on appelle La Littérature. Et la littérature, malheureusement, est difficile à écrire même si elle est aisée à lire. Et si elle doit être comme ça, difficile à écrire et aisée à lire, c’est pour qu’elle ait du goût et de « l’atticisme ». Si dans le roman que vous écrivez le lecteur ne ressent aucune émotion en le lisant, ni aucun attrait affectif ou de sensibilité, ni ne peut tirer quelques idées ou distiller quelques larmes, c’est que vous êtes superficiel. Et la littérature a horreur du superficiel comme la nature a horreur du vide. Et la seule façon de savoir qu’on n’est pas dans le superficiel, c’est quand le lecteur vous dira que dès qu’il a fini votre roman, il a eu envie de le relire. Car le vrai roman laisse sa marque, inspire, émeut, impressionne, comme la poésie d’ailleurs. Si vous ne tirez aucune inspiration, ni aucune émotion d’un écrit et plus particulièrement d’un roman, c’est qu’il y manque un maillon quelque part. Il y manque ce que j’appellerai le sel de la plume. Le sel de ta plume, comme le sel qui fait le bon pain, fait ton style. Et avec ton style, tu crées un nouveau genre d’écriture. Ton style et tes romans te feront passer dans la postérité que tout un chacun recherche. Mais plus que la postérité, celui qui aura écrit le roman de tous les romans du monde pourra se targuer d’avoir atteint le « graal » de la littérature. Je sais, vous vous demandez ce qu’est le roman de tous les romans du monde ? Le roman de tous les romans du monde est comme le temps. On sait ce que c’est sans savoir l’expliquer. C’est un miroir qui reflète les choses de la vie et essaye d’en déceler leurs secrets. Pour comprendre le secret de la vie, les scientifiques ont cru bon d’aller le chercher dans le corps humain, puis dans la microbiologie des êtres vivants et du monde inerte. Mais après avoir démontré que ces êtres forment des entités structurées et bien distincts, ils n’allèrent pas plus loin que ce que leur font voir leurs microscopes et observations physiques. Et après avoir fait le tour de tous les corps et organismes, ils avouèrent qu’ils ne pouvaient pas expliquer le secret de la vie. Car le secret de la vie ne peut être écrit que dans un roman de la vie. Et pour écrire ce mystérieux roman, son auteur a besoin d’aller le chercher dans les tréfonds de l’humanité. Là où sont accumulés les rêves et les réalités pour en faire, avec ton propre style et ta verve littéraire, un chef-d’œuvre qui se multipliera en millions d’atomes d’inspirations et se désagrégera en mille et un poèmes. Car le vrai secret de la vie se trouve dans notre « livre du dedans », comme l’est la perle dans la coquille. Dans chaque être il y a une perle. Et dans chaque perle il y a un roman à écrire, une histoire à dire, un rêve à faire éclore, une larme à essuyer ou une cantate à composer.
Comme le sel qui adoucit le pain, le style transforme les mots en notes de musique et les phrases en tableaux et fresques. Et n’a rien écrit qui n’a pas fait secouer la fibre de son lecteur. Et n’a rien évoqué celui qui ne fait pas valser les cœurs et fait danser les âmes…
Voilà, si vous ressentez qu’il y a en vous un écrivain et que vous n’arrivez pas à vous libérer de vos contractions, c’est que vous butez sur le choix du style ou que vous voulez imiter un autre. Chaque pain à sa dose de sel. Chaque écrit donc doit refléter le style de son auteur, et chaque roman une œuvre d’art…
Prenez la peine de consulter vos cœurs et ouvrir les tiroirs de vos « livres du dedans ». Ecrivez ! Qui sait ? Peut-être qu’entre vos mains se trouve le roman de tous les romans du monde.
Chronique de Rachid EZZIANE, parue in Le Chélif
Rachid Ezziane
Écrivain, Journaliste & Chroniqueur in Le Chélif