Trait-d'Union Magazine

L’Afrique au cœur

La géographie de l’Afrique inclut toutes les régions de ce vaste continent et non pas deux Afriques : Afrique noire et Afrique blanche. En effet, l’Afrique peut être à géométrie variable selon les périodes historiques, selon certains points de vue et positions idéologiques. Durant la période coloniale les puissances colonisatrices séparèrent délibérément l’Afrique en deux : l’Afrique sub-saharienne et l’Afrique du nord, avec à l’esprit la devise « diviser pour régner ».

Durant la période postcoloniale les conséquences d’une telle division coloniale se perpétuèrent en partie car certains Africains cultivèrent cette séparation ! Une telle attitude relève de mon point de vue d’un racisme qui ne dit pas son nom, donc uniquement sur la couleur de la peau, dans le sens où la réalité historico-politique raconte une histoire plus constructive, d’autant plus qu’il serait absurde de penser que l’Afrique sub-saharienne est une et unie et qu’elle n’a rien à voir avec le nord du continent. Historiquement, l’Afrique du nord a subi les mêmes affres du colonialisme que le reste de l’Afrique et donc une telle division relève de fantasmes coloniaux. L’Histoire démontre que le Sahara n’a jamais été une frontière mais bien un lien. L’Algérie avec son histoire tumultueuse a toujours eu l’ensemble de l’Afrique au cœur, de par ses actions historiques envers l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique du Sud, de par ses liens culturels avec les pays du Sahel, de même pour le Maroc et la Tunisie. Les leaders révolutionnaires de l’Afrique du Sud, du Zimbabwe, du Mozambique, dans leurs luttes contre l’apartheid, furent formés et aidé par l’Algérie, à l’instar de Nelson Mandela qui avait affirmé que « l’Algérie avait fait de lui un homme » ou de de Winnie Mandela qui avait admiré les ‘héroïnes’ algériennes comme Djamila Bouhired, dans leur lutte contre le colonialisme.  Les écrivains africains ont toujours dénoncé cette séparation basée sur la couleur de la peau comme les Nigérians Chinua Achebe et Wole Soyinka, comme les Sénégalais Sembène Ousmane, Aminata Sow Fall ou Felwine Sarr, comme le togolais Kangni Alem ou le Camerounais Achille Mbembe, de même en Algérie où les écrivains se sentent concernés par l’ensemble de l’Afrique à l’instar de Kateb Yacine, Mohammed Dib, Tahar Djaout, Abdellkader Djemaï ou Maïssa Bey. Lorsqu’on lutte contre le racisme, il est surprenant de voir certains continuer à encourager une telle séparation. La nouvelle génération se sent africaine. Je sais qu’au Bénin, au Mali ou au Sénégal les jeunes tiennent en haute estime les pays d’Afrique du nord. La jeune génération algérienne se sent intégralement africaine et j’en veux pour preuve ceux qui ont initié le magazine électronique “Trait d’Union”. Ils ont décidé de consacrer le Numéro 2 de leur revue culturelle à l’Afrique qu’ils intitulent Mama Africa. Adel Hakim m’a contacté pour diriger ce numéro spécial Afrique en me donnant carte, en tant qu’africaniste. Je n’ai pas hésité une seconde à m’impliquer et à solliciter mes amis africanistes qui ont réagi positivement à ce projet. Encourager ces jeunes algériens dans leur belle aventure en ces temps sombres fut enthousiasmant. Voici donc ce numéro ‘Mama Africa’ dont le fil conducteur repose sur la littérature et les arts : les textes littéraires, le cinéma, la peinture, la sculpture, l’architecture ! Les thématiques sont variées et elles abordent des questions de fond comme l’interculturalité, la tradition, l’échange, l’identité, l’équité, la justice, la liberté des femmes africaines face aux poids des traditions rétrogrades et des radicalisations. Les problématiques abordées, avec simplicité dans la forme, concernent la démocratie, la liberté d’être, l’exil, les migrations. Ce numéro ‘Mama Africa’ accueille les romanciers Kangni Alem du Togo, Abdelkader Djemaï d’Algérie, Julien Kilanga du Congo et la poétesse Imen Moussa de Tunisie. Les amis et collègues viennent de diverses universités :  Afifa Bererhi de l’Université d’Alger 2, Amina Bekkat, Meriem Zeharaoui et Sarah Kouider-Rabah de l’université de Blida 2, Karen Ferreira-Meyers de l’université d’Eswatini en Afrique du Sud, Benaouda Lebdai et Delphine Letort de Le Mans université en France, Alfred Djossou de l’université d’Abomey-Calavi du Bénin, Jacqueline Jondot de l’université de Toulouse Le Mirail, Aboubacar Maiga de l’université de Bamako au Mali, ainsi que des plumes comme celle de Jacqueline Brenot, chroniqueuse littéraire, Adil Harbouche, expert en management, Nouha Wafaa Hadaoui Messaoudi, architecte /infographiste et Nadia Hamidou, Docteur en littérature. Dans ce numéro ‘Mama Africa’ de nombreux écrivains et artistes sont au cœur d’études certes courtes mais passionnantes, prouvant un véritable bouillonnement intellectuel : Mohamed Dib, Kateb Yacine, Alain Mabanckou, Daniel Biyaoula, Mohamed Abdalla, Baenga Bolya, Abdelkader Djemaï, Léonora Miano, Amma Darko, Winnie Madikizela Mandela, Chimamanda Ngosi Adichie, Oyinkan Braithwaite, Alexander McCall Smith, Jamal Mahjoub, Jean-Marie Adiafi, Jassy Mackenzie, Jassy Mackenzie, Angela Makholwa, Mike Nicol, Namwali Serpell, Ken Bugul, Lauri Kubuitsile, Daouda Teketé, Jerry Doe-Orlando, Abdelilah Hamdouchi, Yamna Bachir-Chouikh et Mounia Meddour. Voici donc un numéro fort riche, généreux, informatif tout en étant engagé. Chaque lecteur jeune et moins jeune trouvera une inspiration pour pouvoir continuer à développer ses connaissances, découvrir de nouveaux écrivains, de nouveaux artistes, de nouveaux cinéastes africains ! Il est bien entendu que ce numéro ‘Mama Africa’ est loin d’être exhaustif, les auteurs des courts articles se sont exprimés avec cœur sur des sujets en rapport avec les cultures africaines ! Ce numéro dévoile l’africanité de tous les thèmes abordés et cela pour aller de l’avant et ouvrir son esprit critique.

Lire le deuxième numéro de Trait-d’Union Magazine « lien« 

Auteur

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Benaouda Lebdai est professeur des Universités au Mans où il est Directeur-adjoint du Laboratoire de recherche 3L. AM (Langues, Littératures, Linguistique des universités d'Angers et du Maine). Il a enseigné pendant plus de quinze ans à l'Institut des Langues Étrangères de l'Université d'Alger. Il a obtenu son Ph.D (Doctorat d’État) à l'Université d'Essex en Angleterre. Spécialiste en littérature Comparée Africaine et Africaine - Américaine, Lebdai a participé à de nombreuses conférences Internationales dans ce domaine, en Algérie, au Maroc, au Sénégal, en Égypte, en Inde, en Espagne, en Angleterre et aux États-Unis d'Amérique... Il est l’auteur de nombreux articles et ouvrages sur les littératures africaines anglophones et francophones.

Éditos

Éditos

Là où je fais identité

Lorsque nous pensons à l’identité, c’est l’image d’une chrysalide qui s’impose à nous. La métamorphose animale de l’insecte qui mue et se développe jusqu’à atteindre son état final nous invite en effet à repenser les contours de notre identité humaine. Nous…cet être doté d’une conscience qui se transforme et se construit en se définissant à travers ce qui est communément appelé ; l’identité.

Appels d’ères

Certains sujets sont comme les saisons, ils reviennent régulièrement, espérés et toujours enrichis de nouvelles expressions. Celui qui nous concerne ce mois-ci, et plus précisément le 8 mars, en l’honneur de « la Journée internationale des Droits de la Femme », vient de recueillir comme dans le précédent numéro de « Ana Hiya : La femme maghrébine, droit dans […]

Édito 2 « Ana Hiya », mon nom est Horra

Quand j’ai été sollicitée pour écrire l’édito de la revue « ANA HIYA », j’ai accepté animée par un sentiment d’honneur et d’enchantement. Je n’ai jamais imaginé que j’aurai le trac devant ma feuille et mon crayon, un trac comme celui que je vis avant la représentation, pendant les minutes interminables dans les coulisses à peine éclairées, […]

Le patrimoine qui part et qui témoigne !

La notion du patrimoine a longtemps été rattachée aux domaines de l’architecture et des arts en général. Cependant, depuis peu, la littérature est au cœur de ce rattachement patrimonial. En effet, contes, mythes et légendes, constituent désormais un patrimoine littéraire universel. Mais également, les œuvres littéraires font aussi objet de transmission culturelle et de savoir […]

Sont-elles dangereuses ?

Longtemps considérée comme le sanctuaire des hommes, l’écriture a été, pendant des siècles, une activité exclusivement masculine. Jusqu’à une époque toute récente, les femmes ont été exclues de l’espace scriptural. Et pour cause ! Traditionnellement invitées à la discrétion, volontairement invisibilisées et reléguées aux tâches domestiques, celles-ci étaient maintenues dans un état de dépendance intellectuelle, doublée d’une injonction au silence. Leurs voix n’étaient pas les bienvenues, c’est ce qui explique pourquoi l’histoire littéraire occulte un grand nombre d’entre elles.

Note d’intention

Il est des sujets qui mobilisent l’attention générale de tout citoyen par la nécessité et l’urgence d’apporter une réflexion sur ce qui en 2021 pose encore problème dans la majorité des sociétés. Les droits fondamentaux de l’individu résultant des principes d’égalité de l’Homme au sens large, soit des deux sexes et ce, dans tous les […]

Femmes à l’horizon toujours!

Quel bonheur – et quel honneur –, d’ouvrir ce nouveau numéro de Trait d’Union consacré aux femmes ! Je vis cette sollicitation comme la continuation d’années pleines, lumineuses et actives, dans les nombreux articles écrits sur ce sujet et dans les deux groupes de femmes auxquels j’ai appartenu (1984-1994) : « Présences de femmes » et « le groupe Aïcha ». Ils ont été un lieu où il était possible de parler, d’écrire et de penser en dehors des sentiers balisés par leurs publications et leurs débats. Le second a choisi le « marrainage » des Aïcha-s, tout en participant à des actions et table-rondes dans une société en pleine effervescence. Son petit manifeste… avec ces références : « Aïcha Vivante. VIVANTE comme Aïcha Bent Abi Bakr… Aïcha Bent Talha… Aïcha al-Mannubiyya… Aïcha Laabo… Aïcha Kandicha… Aïcha Radjel,…»

Les 3 D

Notre entrée en matière nous oblige d’abord et avant tout à convenir que nous vivons dans un monde en perpétuelle évolution. Un monde où la raison du plus fort est toujours la meilleure. Cette raison du plus fort s’explique par la capacité de toute nation d’axer son existence sur les fameux « 3 D » […]

Un pour tous, tous pour un…

La ligne éditoriale est en principe la clé de la cohérence d’un magazine et sa marque de fabrique. Certes ! Poser cette première pierre à l’édifice oblige à mesurer l’ampleur du dessein. Difficile de fixer arbitrairement des choix et des objectifs littéraires et culturels, quand le flux ininterrompu de l’actualité qui s’y reflète, se confond […]


TU N°2 MAMA AFRICA

Numéros

«L’impasse ou le portrait d’un pays déshumanisé»

L’Afrique est considérée comme le berceau de l’humanité, dit-on de manière fort poétique, l’espèce humaine y aurait vu le jour. Pourtant, au fil des ans, mais surtout ces trente dernières années, force est de constater que les « enfants » de ce continent se hâtent de quitter ce berceau qui ne leur apporte plus le réconfort souhaité et d’aller courir le monde, occidental de préférence. En effet, une situation politique et économique désastreuse, l’absence de perspectives font que la jeunesse africaine n’aspire plus qu’à une seule chose : émigrer.

Le Skhab : Quand les idéologies nous séparent, un bijou nous montre le repère.

L’Algerie, trésor artisanal: Carrefour des civilisations où se croisent art et culture, l’Algerie est réputée par les merveilles produites par son artisanat. Un artisanat qui nous fait rappeler l’histoire de notre terre marquée par sa diversité et sa richesse linguistiques et culturelles. Les techniques et les décorations artisanales varient d’une région à une autre. Les matières premières dans la fabrication des bijoux diffèrent aussi : argent et corail en Kabylie, argent et pierres précieuses aux Aurès, or pur dans les hauts plateaux, l’Oranie, la vallée des M’zab , et enfin, argent et ébène au sud. Malgré cette variation, les grandes régions d’Algérie possèdent des bijoux en commun tels que : Khelkhal, Mqayes et le Skhab.

LE NUMÉRO 2 DU MAGAZINE « TRAIT-D’UNION » EN PARLE :« Mama Africa »

En dépit des circonstances difficiles dues à l’épidémie de la Covid-19, le numéro 2 de l’e-magazine littéraire et culturel « Trait-d’Union » est paru en ce début décembre et remporte un franc succès avec environ 1000 lecteurs dès la première semaine. Défi d’une équipe non sponsorisée mais dynamique et motivée par une volonté d’une culture partagée et gratuite.

Quand les femmes s’emparent du cinéma algérien pour lutter contre l’islamisme radical

L’islamisme radical fut, dans l’Algérie des années 90, à l’origine de nombreuses tueries ciblées qui visaient à intimider et à faire taire toute critique émanant des intellectuels et des journalistes. La décennie noire fut synonyme de terreur et de peur pour les civils visés par ces groupes paramilitaires radicaux qui multiplièrent les actions d’attentats après l’annulation des élections législatives de 1991 laissant présager une victoire du Front Islamique du Salut. Peu d’images circulèrent au-delà des frontières si bien que la situation exceptionnelle vécue par la population civile fut longtemps une page oubliée de l’histoire. Le cinéma algérien contribue activement à combler cette amnésie et à en mémorialiser les traumatismes à travers la mise en scène d’histoires qui montrent l’intimité de la terreur. Les femmes jouent un rôle central dans ce travail de mémoire en tant que réalisatrices déterminées à raconter le vécu des femmes, dont les désirs de liberté et d’expression furent directement visés par les fondamentalistes. Dans Rachida (2002), la réalisatrice algérienne Yamna Bachir-Chouikh dresse le portrait d’une jeune enseignante, qui vit avec sa mère dans l’un des quartiers populaires d’Alger. Son esprit d’indépendance lui attire l’attention des islamistes qui cherchent à l’intimider pour mieux la soumettre à un ordre patriarcal. La réalisatrice Mounia Meddour s’inspire des années qu’elle a passées à Alger en tant qu’étudiante lorsqu’elle met en scène Papicha (2019), un film qui reconstitue l’expérience de la décennie noire à travers le point de vue de jeunes lycéennes dont le quotidien et les ambitions sont un défi répété des restrictions imposées par les islamistes. En plaçant la matérialité du corps de la femme au centre de l’image, ces films inventent une esthétique nouvelle qui traduit une sensibilité féminine en résistance au regard objectifiant et déshumanisant des Islamistes.

Aux portes de Cirta de Mohamed ABDELLAH : à l’aube de notre Histoire

Mohamed Abdallah, très jeune auteur, étudiant en mathématiques, intègre le cercle des écrivains avec une première publication Entre l’Algérie et la France il n’y a qu’une seule page suivie de Souvenez-vous de nos sœurs de la Soummam. Le troisième roman, édité aux Editions Casbah (2019), dans le contexte de l’effervescence contestataire du Hirak, ne manque pas de surprendre. Alors qu’un grand nombre de livres actuellement en librairie s’apparentent à des radioscopies de la société algérienne pâtissant de ses maux et tout autant porteuse d’espoir, Mohamed Abdallah se place hors de ce champ. Il remonte le temps pour camper dans la Numidie antique. Il apparait ainsi comme un ‘’OVNI’’, (expression d’une amie lectrice de son dernier roman) dans le paysage littéraire algérien du moment car l’opus en question relève de la quête archéologique. De fait, le projet littéraire s’annonce comme réécriture d’une page de l’histoire lointaine de l’Algérie, à laquelle il convient de redonner vie. A quelle fin ? Pourquoi ce retour vers une antériorité si lointaine ? Assouvir une curiosité qui se manifeste présentement ? Prévenir de l’oubli ? Acte mémoriel à visée pédagogique ? Nécessité de nourrir la connaissance de soi ? Il est certain que la fouille du passé est susceptible de renseigner sur les interrogations du présent et peut-être de les expliquer en partie.

Mohammed Dib : Une œuvre libre et souveraine

Souveraine est, je crois, le terme qui pourrait qualifier l’œuvre importante et singulière de Mohammed Dib, dont on célèbre cette année le centième anniversaire de sa naissance. Souveraine et combien évidente parce qu’elle est le fruit heureux d’un travail littéraire au long cours, patient, méticuleux et fertile. Libre aussi car éloignée des modes et des […]


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