Trait-d'Union Magazine

Là où je fais identité

Lorsque nous pensons à l’identité, c’est l’image d’une chrysalide qui s’impose à nous. La métamorphose animale de l’insecte qui mue et se développe jusqu’à atteindre son état final nous invite en effet à repenser les contours de notre identité humaine. Nous…cet être doté d’une conscience qui se transforme et se construit en se définissant à travers ce qui est communément appelé ; l’identité.

Qu’elle soit collective ou individuelle, l’identité est un tissu qui se forme dans et autour de de l’être humain ; dans la filiation, l’espace géographique, les imaginaires, la langue, les croyances, le genre, la mémoire, les espaces, etc. Elle nous est propre dans ce qui nous définit, nous construit et nous distingue par rapport aux autres pour faire notre individualité. Mais, elle se définit aussi dans ce que nous avons de semblable avec un groupe et se manifeste dans une culture partagée avec des individus bien déterminés. Dans ce sens, l’identité serait-elle une composante figée de notre être intime ou cette part extime, affichée et continuellement en développement ? Serait-elle une histoire d’appartenance ou d’individualité ?

L’identité considérée parfois comme un patrimoine, individuelle soit-elle ou collective, se décline sous une dualité tantôt sereine, tantôt conflictuelle. Certains, porteurs d’une pensée dogmatique à ce sujet, font de l’identité une référence fixe et unique qu’il faut impérativement préserver car elle est sacralisée. D’autres, au nom du pluralisme ou de l’universel, décloisonnent cette unicité identitaire pour en faire des entités multiples et mouvantes. Sommé ainsi de se retrancher dans une singularité figée et sectaire, ou au contraire appelé à inventer un Moi évolutif et dynamique, l’individu se dessine inévitablement sous deux grandes conceptions opposées. Alors, loin des identités balisées, nous avons choisi dans ce cinquième numéro d’inviter nos collaborateurs à sonder la corrélation entre le Moi et l’altérité à travers la question des identités nouvelles dans les arts. L’objectif de ce numéro est d’explorer l’identité ou les identités qui sont envisageables dans une mondialité créative qu’Edouard GLISSANT présente comme « cette aventure sans précédent qu’il nous est donné à tous de vivre, dans un espace-temps qui pour la première fois, réellement et de manière foudroyante, se conçoit à la fois unique et multiple, et inextricable. C’est la nécessité pour chacun d’avoir à changer ses manières de concevoir, d’exister et de réagir dans ce monde-là »

Ce numéro qui s’inscrit dans la continuité d’autres travaux autour de la question identitaire au Maghreb, a été possible grâce à la collaboration active d’artistes et de chercheurs partout dans le monde.

Le directeur du magazine Abdelhakim YOUCEF ACHIRA et moi-même tenons à leur exprimer notre profonde gratitude. Celles et ceux qui, toujours avec une grande confiance, accordent leur voix à la nôtre pour être aux carrefours de toutes les pensées ; Nadia AGSOUS, Mohamed HARMEL, Edia LESAGE, Marcel TAIBÉ, Nour CADOUR, Affif MOUATS, Fouad AISSANI, Refka PEYSSAN, Aurélien Simon, Hanen ALLOUCH, Jacqueline BRENOT, Ahmed CHEINE SIDI, Asma BAYAR, Selima ATALLAH CHETTAOUI et Aida HAMZA.

Nos remerciements les plus chaleureux sont également adressés à l’artiste plasticien tunisien Ilyes MESSAOUDI qui a généreusement illustré la couverture de ce numéro en nous plongeant dans un tourbillon de douceur avec sa peinture sous verre « La rivière des épreuves », œuvre animée par tant de couleurs et de motifs culturels qui, au premier regard, nous transporte dans l’espace-temps.

Enfin, il nous semble important de rappeler que le but de ce numéro intitulé « Là où je fais identité » n’est pas de définir l’identité mais de saisir le sens qu’elle prend dans les créations artistiques des intellectuels du Maghreb contemporain. Construit en cinq volets : « Au milieu des autres », « Et le cinéma alors ? », « Repenser…redécouvrir », « Ce que disent les pas » et « Déjouer la racine », nous verrons si une identité aux sens nouveaux, est envisageable ? C’est ce que nous découvrirons à travers la littérature, le cinéma, les arts plastiques mais aussi la danse. Autant de champs qui nous ouvrent la réflexion pour penser l’identité « autrement » avec des artistes qui embrassent dans leurs pratiques des mondes ouverts, mouvants et troublés.

Aussi, conjuguée au singulier ou au pluriel, construite ou en construction, substance invariable ou décentrée, les articles de ce présent numéro interrogent sans réserve toutes les déclinaisons des identités dans notre monde d’aujourd’hui.

Qui sait ! À force d’y réfléchir nous nous découvrirons ensemble des identités inattendues !

Auteur

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Imèn MOUSSA est docteure en littératures française et comparée, enseignante, cofondatrice des Rencontres Sauvages de la Poésie et membre de l’association Atlas pour la promotion de la traduction littéraire au Collège International Des Traducteurs Littéraires. Directrice de la publication pour Trait-d’Union Magazine, elle consacre ses recherches sur l’écriture des femmes dans le Maghreb contemporain. Sa passion pour l’art visuel, ses textes et ses voyages autour du monde sont autant d’invitations à une Humanité qu’elle qualifie d’« infrontiérisable ». C’est dans ce sens qu’elle collabore comme auteure et photographe dans plusieurs revues artistique en Afrique, en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique latine comme Débridé, Cavales, Lettres d’hivernage, Grito de Mujer, Souffles sahariens, L’Imagineur, Les embruns... Elle est l’auteure de l’essai Les représentations du féminin dans les œuvres de Maïssa BEY, publié aux Éditions Universitaires Européennes (2019) et d’un recueil de poésies Il fallait bien une racine ailleurs, paru aux éditions l’Harmattan (2020).

Éditos

Éditos

Appels d’ères

Certains sujets sont comme les saisons, ils reviennent régulièrement, espérés et toujours enrichis de nouvelles expressions. Celui qui nous concerne ce mois-ci, et plus précisément le 8 mars, en l’honneur de « la Journée internationale des Droits de la Femme », vient de recueillir comme dans le précédent numéro de « Ana Hiya : La femme maghrébine, droit dans […]

Édito 2 « Ana Hiya », mon nom est Horra

Quand j’ai été sollicitée pour écrire l’édito de la revue « ANA HIYA », j’ai accepté animée par un sentiment d’honneur et d’enchantement. Je n’ai jamais imaginé que j’aurai le trac devant ma feuille et mon crayon, un trac comme celui que je vis avant la représentation, pendant les minutes interminables dans les coulisses à peine éclairées, […]

Le patrimoine qui part et qui témoigne !

La notion du patrimoine a longtemps été rattachée aux domaines de l’architecture et des arts en général. Cependant, depuis peu, la littérature est au cœur de ce rattachement patrimonial. En effet, contes, mythes et légendes, constituent désormais un patrimoine littéraire universel. Mais également, les œuvres littéraires font aussi objet de transmission culturelle et de savoir […]

Sont-elles dangereuses ?

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Note d’intention

Il est des sujets qui mobilisent l’attention générale de tout citoyen par la nécessité et l’urgence d’apporter une réflexion sur ce qui en 2021 pose encore problème dans la majorité des sociétés. Les droits fondamentaux de l’individu résultant des principes d’égalité de l’Homme au sens large, soit des deux sexes et ce, dans tous les […]

Femmes à l’horizon toujours!

Quel bonheur – et quel honneur –, d’ouvrir ce nouveau numéro de Trait d’Union consacré aux femmes ! Je vis cette sollicitation comme la continuation d’années pleines, lumineuses et actives, dans les nombreux articles écrits sur ce sujet et dans les deux groupes de femmes auxquels j’ai appartenu (1984-1994) : « Présences de femmes » et « le groupe Aïcha ». Ils ont été un lieu où il était possible de parler, d’écrire et de penser en dehors des sentiers balisés par leurs publications et leurs débats. Le second a choisi le « marrainage » des Aïcha-s, tout en participant à des actions et table-rondes dans une société en pleine effervescence. Son petit manifeste… avec ces références : « Aïcha Vivante. VIVANTE comme Aïcha Bent Abi Bakr… Aïcha Bent Talha… Aïcha al-Mannubiyya… Aïcha Laabo… Aïcha Kandicha… Aïcha Radjel,…»

L’Afrique au cœur

La géographie de l’Afrique inclut toutes les régions de ce vaste continent et non pas deux Afriques : Afrique noire et Afrique blanche. En effet, l’Afrique peut être à géométrie variable selon les périodes historiques, selon certains points de vue et positions idéologiques. Durant la période coloniale les puissances colonisatrices séparèrent délibérément l’Afrique en deux : l’Afrique sub-saharienne et l’Afrique du nord, avec à l’esprit la devise « diviser pour régner ».

Les 3 D

Notre entrée en matière nous oblige d’abord et avant tout à convenir que nous vivons dans un monde en perpétuelle évolution. Un monde où la raison du plus fort est toujours la meilleure. Cette raison du plus fort s’explique par la capacité de toute nation d’axer son existence sur les fameux « 3 D » […]

Un pour tous, tous pour un…

La ligne éditoriale est en principe la clé de la cohérence d’un magazine et sa marque de fabrique. Certes ! Poser cette première pierre à l’édifice oblige à mesurer l’ampleur du dessein. Difficile de fixer arbitrairement des choix et des objectifs littéraires et culturels, quand le flux ininterrompu de l’actualité qui s’y reflète, se confond […]


TU N°5 Là où je fais identité

Numéros

Représentation poétique du paysage maghrébin dans Je te nomme Tunisie de Tahar Bekri

Par la poésie, Tahar Bekri célèbre les richesses naturelles et culturelles de la Tunisie à partir de laquelle se dévoile l’image du monde maghrébin. En prenant appui sur le recueil de poèmes Je te nomme Tunisie, le présent article se propose de démontrer le paysage tunisien comme reflet de l’univers maghrébin et d’insister sur la célébration du patrimoine culturel arabo-musulman.

Mathilde, personnage trans-classe dans le pays des autres de Leila Slimani

Si le transclasse désigne l’individu qui opère le passage d’une classe à une autre[1], la classe peut signifier dans un sens plus large un genre, une nationalité, un milieu ou une identité sociale. Le transclasse fait ainsi l’expérience d’un mouvement par lequel il passe d’un milieu de départ vers un milieu autre, sans qu’il ne […]

Là où je fais identité

Lorsque nous pensons à l’identité, c’est l’image d’une chrysalide qui s’impose à nous. La métamorphose animale de l’insecte qui mue et se développe jusqu’à atteindre son état final nous invite en effet à repenser les contours de notre identité humaine. Nous…cet être doté d’une conscience qui se transforme et se construit en se définissant à travers ce qui est communément appelé ; l’identité.


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