Trait-d'Union Magazine

La création de mode au service d’une cause

À l’occasion de la journée internationale des droits de femmes, nous vous proposons de découvrir le travail de la jeune créatrice de mode tunisienne Sarah MANAI qui défend plusieurs causes avec enthousiasme et sincérité. Ses créations s’inscrivent dans l’économie de la matière, la consommation, la mise en valeur de la richesse patrimoniale, la promotion culturelle, la recherche du poétique et de l’authentique, l’audace décalé et la sensibilisation à la cause de la diversité et de l’inclusivité dans ce domaine.

Portrait de Sarah Manai : créatrice de mode, styliste et modéliste

Sarah MANAI est née à Montréal et vit actuellement entre Tunis et Paris. Elle est diplômée de l’École Supérieure de Mode de Tunis ESMOD en 2019 après avoir eu une licence fondamentale en informatique appliquée à la gestion de l’Institut Supérieur de Gestion de Tunis (ISG) en 2012.  

Sarah Manai

Ana Hiya : Sarah MANAI, quel est votre définition de la mode aujourd’hui en tant que jeune créatrice de mode ?

Sarah MANAI : La mode doit être un moyen de célébration de la diversité et de l’inclusivité. C’est un efficace exercice de sensibilisation au profit de plusieurs causes sans oublier de la mettre à la disposition de tout le monde surtout sur le plan économique. La mode n’est pas seulement les marques de luxe ! C’est vrai que c’est une question d’élégance mais surtout de goût et de personnalité.  Développer et améliorer les goûts est aussi notre affaire car cela permet de participer au bien-être des sociétés, d’ancrer de belles valeurs humaines et d’affirmer l’identité. Il est bon temps à toutes les marques de communiquer ces idées et de s’offrir un terrain dans la progression et l’évolution de la mode en tant que domaine artistique et culturel « sans » abus ni exagération. Tout excès risque de menacer notre humanité ou notre planète à court, à moyen ou à long terme.

LA MODE :LA DIVERSITÉ ET L’INCLUSIVITÉ

Donc d’après vous, le monde de la mode doit-il nécessairement « inclure » ? Si oui, qui inclure et où inclure ?

C’est vrai que la mode est tout un monde et le monde n’est monde que grâce à sa diversité mais malheureusement dans notre domaine, les critères étaient très sélectifs et élitistes. C’est l’apanage d’une minorité esthétique, sociale et économique. Ces derniers temps, on voit autrement ce domaine et c’est une marque d’évolution du niveau d’éducation qui a réussi à réduire les barrières et les diktats. Personnellement, j’encourage toute initiative qui sensibilise au cancer du sein, à l’intégration des femmes à mobilité réduite et des filles privées de scolarité. Tout cela fait partie de moi en tant que femme et fera partie encore de mes futurs projets qui visent la mise en œuvre des dimensions et des mannequins aux tailles, ethnies, genres, couleurs morphologies et âges différents et le renforcement de l’estime de soi en favorisant l’égalité des chances de réussite dans ce domaine pour toutes et tous.  Je pense que la diversité et l’inclusivité sont les axes majeurs de la mode de l’avenir.

La mode et le patrimoine

J’ai remarqué aussi que vous vous inspirez du patrimoine tunisien et mondial, pouvez-vous nous parler du rapport de vos créations à la promotion patrimoniale ?

Merci infiniment d’avoir fait attention à ce point-là et vous avez complétement raison.  Mon premier défilé a été nommé BIBEN qui veut dire PORTES en français. C’est ce monde de portes ouvertes, entrouvertes, fermées, simples, décorées, sublimées par des couleurs ou des détails… qui a attiré mon attention et il a été une parfaite source d’inspiration de ma première collection.

Aussi, j’insiste sur le fait de réaliser les shootings de mes créations dans des sites archéologiques de notre belle Tunisie et j’encourage également tous les jeunes de notre domaine de le faire car c’est aussi un moyen efficace d’orienter les gens vers la richesse patrimoniale non seulement dans notre pays mais aussi partout dans le monde. C’est toujours une bonne idée d’encourager le tourisme culturel puisqu’il s’agit bel et bien d’une façon de mettre en valeur ces bijoux patriotiques. C’est tout un monde de créativité. Par ailleurs, la mode et le patrimoine font ensemble un beau mariage sans oublier ue le patrimoine culturel est très à la mode aujourd’hui. Le site archéologique d’Oudhna était un choix sublime, magique et magnifique car il a agréablement servi comme décor de shooting de ma dernière collection. Aussi, mes voyages sont souvent des destinations riches sur le plan historique et patrimoine comme Athènes, Rome, Paris, Roumanie…Outre, la beauté de ces endroits en tant que lieux de découverte identitaire et la qualité fluctuante de leur histoire, il y a vraiment une part de magie envoutante et inspirante qui se trouve dans leurs coins et dans leurs caractéristiques particulières sur tous les plans et j’ai beaucoup de belles surprises à dévoiler dans l’avenir.

LA MODE ET LA POÉSIE

On sent qu’il y a une sensibilité particulière dans vos créations, une façon imaginative de s’approprier ce qui pourrait être un pragmatisme associé à l’originalité et à la poésie qui apporte du plaisir et qui favorise l’évasion et le rêve.

Oui tout à fait vrai. J’essaie de raconter des histoires poétiques dans mes créations de mode. Il y a les mouvements, les volumes et les émotions tristes et joyeux et il y a aussi les tissages et les couleurs qui suivent les vibrations de chaque état d’âme, de ses tourments et de ses profondeurs. Je passe des heures et des heures à choisir et à faire les motifs et les broderies qui portent un sens ou une essence poétique. Et je peux vous donner aussi une astuce qui peut, peut-être, vous surprendre. Je lis et j’écoute beaucoup de textes poétiques et de la musique et vous n’imaginez pas à quel point cela développe mon inspiration, mon intuition, ma connexion avec le détail et l’univers et il alimente agréablement mon énergie et ma façon d’aller au-delà du paraitre pourtant la mode est connue par ce côté apparent. C’est grâce à cette sensibilité poétique que je me trouve toujours en quête perpétuelle de l’originalité dans la fluidité et dans la souplesse. Et je sais que vous connaissez que mon deuxième défilé porte le nom de votre premier recueil de poésies « Les Profondeurs de l’Invisible » et c’est déjà une belle illustration de mon rapport à la poésie dans sa signification première ou autre. Voilà, je suis un peu dans cet état d’esprit-là.

La mode et l’écosystème

Que pensez-vous des modalités de l’émergence d’une consommation responsable et plus engagée envers la planète ?

Pour être honnête, on ne peut pas nier que le secteur de la mode est loin d’être exemplaire en matière d’impact environnemental à cause de son incitation continue à la surconsommation. Les fibres synthétiques ont un impact négatif sur nos écosystèmes mais en tant que créatrice de mode consciente, engagée et qui adore son métier, j’ai cherché toujours des solutions qui relient l’utile à l’agréable. De mon côté, j’ai essayé souvent de recourir à des tissus, à des broderies ou à des objets de seconde main en encourageant de cette manière le recyclage et ça a donné de bons résultats pourtant l’idée de rapiécer et de recycler dans notre domaine ou dans notre société est perçu comme un signe socialement négatif ou une pratique réservée seulement aux classes populaires alors que ce n’est pas du tout vrai. C’est de la transition écologique qu’on veut surtout mettre en valeur et le fait d’encourager ce genre d’initiatives donne à notre domaine une touche de noblesse au-delà de tous les jugements.  On doit beaucoup à la nature-mère dans notre recherche d’apaisement et dans notre source d’inspiration. Déjà, ma nouvelle collection printemps/été 2022 qui est en cours de réalisation porte le nom de FEMME-FLEUR. L’idée consiste à transformer la femme en fleur et que la fleur devienne à son tour une partie du corps féminin. Comme vous voyez, je suis en train de faire des efforts pour que la nature soit toujours présente et réconfortante.  La générosité est plus intense et multipliée quand elle est partagée. Voilà ma devise !

Auteur

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Hanen Marouani est docteure en langue et littérature françaises, auteure de quatre recueils de poésie(s) publiés entre la Tunisie et la France et traductrice. Membre de l’association pour la promotion de la traduction littéraire au collège international des traducteurs littéraires à Arles. Elle est aussi diplômée de l’université de Rouen en didactique du FLE. Elle a publié dans plusieurs revues et anthologies internationales.

Interviews

Interviews

« J’écris parce que je ne sais pas pleurer autrement », Yasmina Hamlat, auteure de « Dieu est mort »

Etudiante en littérature française, originaire de Béjaia, en Kabylie, Yasmina Hamlat, a signé son premier livre sous le titre « DIEU EST MORT », aux mots fignolés qui interpelle le monde. Sorti le 05 janvier dernier aux éditions Sydney Laurent (France), « DIEU EST MORT » est un recueil de quatre nouvelles, qui a pour quête principale la libération de la femme.

Farida SAHOUI, Auteure Algérienne : « À travers l’écriture, on peut se libérer, renaître et avancer »

Elle a toujours vécu la question identitaire comme un souci quotidien depuis son jeune âge, ce qui l’a conduit à la lecture puis à l’écriture et la publication d’articles de presse dans sa langue maternelle. Récemment, après une longue traversée de désert, Farida SAHOUI renoue avec sa plume pour signer deux ouvrages aux dimensions historique et symbolique…
À cette occasion elle a bien voulu répondre à quelques questions :

Femme tunisienne, académicienne et écrivaine : entretien avec Monia Kallel

Par: Amal Latrech est doctorante en littérature française qui consacre ses recherches à l’écriture de femmes et au discours paratextuel. Elle s’intéresse, également, à l’égalité femme-homme et au militantisme politique et social. Elle est diplômée en pédagogie du Fle de l’université de Rouen et enseigne le français langue étrangère à l’institut français de Tunisie.

Interview avec Rochelle Potkar

Rochelle Potkar est poète et nouvelliste. Elle est l’auteure de Four Degrees of Separation et Paper Asylum – sélectionné pour le Prix littéraire Rabindranath Tagore 2020. Son film poétique Skirt a été très remarqué. Son recueil de nouvelles Bombay Hangovers vient de paraître. La nouvelle « Honneur » est extraite de ce livre.
Rochelle a été en résidence d’écriture aux États-Unis en 2015 dans le cadre de l’International Writing Program en Iowa. Elle obtenu en 2017 la bourse d’écrivain Charles Wallace de l’Université de Stirling en Grande-Bretagne. Elle a fait des lectures de ses poèmes en Inde, à Bali, aux États-Unis, à Macao, en Grande-Bretagne, à Hong-Kong, en Hongrie, au Bangladesh et en Côte d’Ivoire.
https://rochellepotkar.com

Sur le chemin de Hadia Decharrière: écrire pour partir

Dans ce troisième numéro du magazine culturel Trait-d’Union traitant des femmes qui écrivent aujourd’hui, j’ai choisi de vous faire découvrir le parcours d’une jeune romancière d’expression française dont le parcours est d’une beauté toute particulière : Hadia Decharrière. Née au Kuwait de parents syriens, française d’adoption et d’amour, la jeune écrivaine est diplômée d’un doctorat d’État en chirurgie dentaire en 2004 et d’une licence en psychologie de l’Université René Descartes Paris V. Elle a à son actif deux romans et le troisième est en cours de réalisation. Le premier s’intitule Grande section paru aux éditions JC Lattès à Paris en 2017 et dans lequel elle nous fait voyager dans son passé en relatant une partie intéressante de sa vie en nous permettant ainsi de découvrir, avec elle, les souvenirs de son enfance marquée par le mouvement, le changement, les déplacements entre la Syrie et les États Unis et surtout par la mort de son père quand elle a, à peine, six ans. Arabe (2019) est le titre de son deuxième roman paru chez la même maison d’édition après deux ans. Une histoire qui nous dévoile la journée d’une jeune blonde aux yeux bleus, parisienne comme notre romancière, qui se réveille du jour au lendemain en parlant parfaitement arabe, en pensant en arabe et en ayant tout un mode vie imprégné par la culture arabe. Dans un mélange de peur et de fascination, le lecteur suivra la narratrice dans sa quête identitaire et dans son enjeu polyphonique et son jeu d’interférence!
Si vous ne connaissez pas encore Hadia Decharrière, ou pas assez, venez découvrir avec moi comment elle a répondu à mes questions sur son expérience dans l’écriture et quelles étaient ses conseils pour les autres jeunes écrivaines d’aujourd’hui !

Le digital au féminin

« J’ai eu le plaisir d’interviewer Olfa Dabbebi, une jeune illustratrice et designer graphique qui a fait preuve de beaucoup de courage et de détermination pour vaincre sa maladie et pour se prouver dans un domaine qui essaie de se faire une place en Tunisie.
Je vous laisse lire et contempler les tableaux de notre artiste atypique, et j’espère avoir pu vous transmettre le plaisir que j’ai eu lors de la préparation de cette interview. »

Interview exclusif de Lynda-Nawel TEBBANI par Jacqueline Brenot : Une nouvelle approche du roman algérien contemporain

Lynda-Nawel TEBBANI est l’auteure de deux romans « L’éloge de la perte » et de « Dis-moi ton nom folie », mais elle est également Docteure et Chercheure en Lettres. Ses travaux exceptionnels se consacrent à « l’algérianité littéraire » et à « l’algérianité artistique ». Elle a accepté de répondre à ces quelques questions pour « Trait-d’Union » et nous l’en remercions vivement.

MAAMAR LARIANE, ÉCRIVAIN : « Il faut des tentatives plus hardies pour faire aimer la lecture »

Dans cet entretien accordé à l’hebdomadaire LE CHÉLIF (N°6 janvier 2014), Mâamar LARIANE revient sur ses deux romans publiés à compte d’auteur aux Éditions Dar El Gharb. Les faits qu’il relate et les personnages qu’il met en scène sont fictifs, mais ont quelque part prise sur la réalité de la société algérienne. Quitter son patelin provincial ou fuir son douar pour se faire une situation dans une grande métropole, c’est le rêve commun de milliers de jeunes qui tentent de se libérer du poids des servitudes… pour finir dans les griffes de la ville.


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