L’« Ami Fidèle» refait surface.
L’«Ami fidèle» refait surface timidement, certes, mais il finira bien par l’emporter un jour. N’oublions pas que le livre est un support qui permet de conserver et de transmettre des informations et des connaissances aux générations présentes et futures.

Longtemps relégué au dernier plan, le livre refait surface difficilement, faut-il le souligner, dans un environnement pour le moins hostile eu égard aux mentalités rétrogrades qui ont fait leur petit bout de chemin au sein de notre société et qui ont fini par annihiler complètement tout effort visant à conduire vers le progrès. En effet, et depuis maintenant plusieurs décennies, le livre a sombré dans l’oubli, d’où ce désintéressement envers cet outil de travail connu comme étant un moyen de culture et de distraction capable de nous transporter vers d’autres civilisations et de nous faire vivre des situations absolument sensationnelles. « Lire, c’est voyager », diton. D’aucuns me diront probablement que le constat est un peu sévère si l’on tient compte de ce que l’on voit au salon international du livre d’Alger (SILA) où l’affluence est nombreuse et laisse penser que tout va bien dans le meilleur des mondes, côté lectorat. A dire vrai, la réalité est tout autre : beaucoup de nos visiteurs vont au salon du livre comme on se rend dans une supérette pour faire des emplettes et les livres achetés et payés au prix fort vont tout bonnement garnir les rayons de bibliothèques. Pour étayer mes dires, je vais apporter quelques éclaircissements en disant ceci : n’est pas lecteur qui veut car lire demande de la patience, de la volonté, des efforts, de la concentration et, pour cela, il faut avoir le goût de la lecture, chose que l’on acquiert dès le jeune âge, à l’école où l’apprentissage se fait selon des techniques bien précises (lecture dirigée, lecture suivie avec établissement de fiche de lecture par la suite).
La télé ou le café du coin :
A l’école, c’est au maître de veiller à ce que l’enfant apprenne à lire correctement d’abord (respect de la ponctuation, correction de la prononciation et du débit etc.). Une fois ce travail accompli, le problème est définitivement réglé car on n’impose rien par la force. Et si nos enfants ne lisent pas, s’ils ont une certaine aversion pour la lecture, c’est parce qu’on n’a pas éveillé le goût de la lecture chez eux. Alors, salon du livre ou pas, les choses demeureront en l’état. Pour revenir à l’effort que devra effectuer tout lecteur, disons que c’est là la raison principale qui fait que les gens ne lisent pas, qu’ils préfèrent de loin se mettre en face de leur poste télé pour des heures du moment que cela ne demande aucun effort. Qui de nos jours a la volonté de s’isoler dans un coin, un livre à la main pour rester cloitré à l’intérieur avec, en plus, des efforts à fournir alors qu’il y a mieux à faire dehors, comme s’installer tranquillement dans un café à siroter un thé bien chaud en compagnie d’un ami. Non, le livre n’est pas prêt de réapparaître en force malgré tous les efforts consentis par l’État (bibliothèques communales, festival du livre « lire en fête » organisé en début d’année scolaire et ne drainant pas beaucoup de monde…). Toutefois, nous avons pu voir ces derniers temps, à Chlef, des choses qui sortent de l’ordinaire et qui pourraient paraître tout à fait insolites… Mais il y a un début à tout et c’est de bon augure. Du côté de la faculté de droit, à même le trottoir, un brave monsieur s’est donné la peine de disposer de façon ingénieuse un tas de livres, tous genres confondus, et à des prix abordables en plus. N’est-ce-pas là une initiative à encourager afin que les gens sortent un peu de ce quotidien fait d’ennui et de stress et renouent avec cet « ami fidèle » qui nous a tenu compagnie pendant de longues années. Il y a de cela un peu plus d’un mois, juste avant que ce monsieur ne s’installe du côté de la fac de Droit, je me suis trouvé face à un jeune accroupi sur un trottoir du centre-ville à Chlef en train de disposer un tas livres par terre (une vingtaine au total) sans s’inquiéter le moins du monde du nombre de piétons qui passaient sans lui accorder le moindre regard. Après l’avoir salué, j’ai engagé une petite discussion avec lui puis, à la question de savoir comment il lui est venu l’idée de venir proposer une pareille marchandise aux passants, il me répondit tout simplement : « J’aime beaucoup les livres ». Et d’ajouter ensuite : « Je me demande pourquoi les gens ne leur accordent aucune importance, comme c’est malheureux !». Le jour-même, je décide d’aller rendre visite à un ami libraire à l’autre bout de la ville de Chlef ; je le trouve affairé mais néanmoins de bonne humeur et lui demande comment il va. « Je me sens comme un poisson dans l’eau au milieu de mes livres, comme tu peux le voir. Nous, les libraires, on nous appelle les résistants. Un jour sans, un jour avec, mais on tient le coup », me dit-il avec le sourire. Ainsi qu’il a été dit plus haut, il y a un début à tout : peut-être verrons nous un jour ces petits fast-foods et ces pizzérias disparaître pour laisser place de nouveau à des librairies bien fournies en livres subventionnés comme par le passé, livres dont le prix serait à la portée des petites bourses. Cela nous changerait un peu de ces étalages de vêtements et de chaussures dans tous les coins de rues où les gens jouent des coudes pour se frayer un chemin dans ces trottoirs encombrés.
Une lueur d’espoir :
L’« Ami fidèle» refait surface timidement, certes, mais il finira bien par l’emporter un jour. N’oublions pas que le livre est un support qui permet de conserver et de transmettre des informations et des connaissances aux générations présentes et futures. Se peut-il que l’on puisse le négliger de cette façon de nos jours ? L’on devrait se pencher sérieusement sur la question pour une « sortie de crise » afin de réhabiliter cet outil de travail dont on ne se soucie guère aujourd’hui. En dehors de la quinzaine de jours où se tient le salon du livre d’Alger, est-ce qu’on entend beaucoup parler du livre ? Pas à ma connaissance, il faut attendre le mois d’octobre d’après pour évoquer le sujet, ce qui n’est pas pour réjouir les amoureux de la lecture (les résistants) comme l’a si bien dit notre ami libraire. Ces publics distraits que la télévision a créés devraient se soustraire un peu à ce « bidule » et renouer petit à petit avec le livre. Il fut un temps (à partir des années 1960) où la lecture était devenue l’un des piliers de l’enseignement. Je pense, pour ma part, qu’il est temps qu’on donne au livre la place qui lui convienne, en œuvrant à la base, c’est-à-dire au niveau de l’école primaire. Pour clore le sujet, il ne nous reste, ami lecteur, qu’à dire bravo à ce jeune désœuvré ainsi qu’au monsieur du côté de la fac de Droit pour avoir pris l’initiative de rompre un peu avec le quotidien et nous avoir permis aussi de « composer » avec quelque chose de plus intéressant, le livre en l’occurrence.
Mâamar LARIANE, Le Chélif N°366.
Abdelhakim YOUCEF ACHIRA
Directeur de la publication de Trait-d’Union magazine. Membre fondateur, Ex-président et actuel SG du CLEF Club Littéraire de l’Étudiant Francophone de l’université de Chlef. Journaliste et chroniqueur à L’hebdomadaire LE CHÉLIF. Membre du jury étudiant du Prix Goncourt choix de l'Algérie 1ère édition. Enseignant vacataire au département de français UHBC.