Je suis Darijophone

Le turban qui ornait la tête de mon grand-père ne m’a pas été transmis. À qui la faute ? Peu importe, du moment où les valeurs, les principes et les mœurs, qui furent les diamants décoratifs de cette couronne en tissu, me sont bien inculqués. Mon grand-père, qui, articulait l’arabe, roulait le R en français et maudissait en espagnole, jonglait sa darja tel un troubadour. Ses propos inspiraient respect, crainte, confiance et amour. Toujours dans sa belle LANGUE. Mais, aujourd’hui, ni la beauté ni la richesse du vocabulaire n’ont permis d’exempter cet héritage des attaques malmenées, visant à l’indigner. Ce dénigrement est révélateur, il n’est, pour moi, que l’expression du mépris et d’abnégation qu’il y a pour la langue populaire. Ce débat récurrent est devenu inquiétant. Tout le monde se permet, tout le monde cherche à prouver son algérianité. C’est la conséquence désolante d’être loin de son âtre : l’université. Ce débat est censé être correctif qu’instructif mais surtout fondateur. L’Algérie de demain doit connaître son avant-hier, car hier nous menions un combat, avant-hier nous étiez « NOUS ». Je disais université, aujourd’hui ce débat fait plus de mal que du bien, il divise, il dénigre et il fait surgir la face dominée de nos frères teneurs d’un discours endoctriné. Nous devons assumer et en être fière, mais nous devons, aussi, céder la place aux spécialistes, je sous-entends dire : les linguistes. Loin de tout amalgame et subjectivité destructive, ils sont les seuls à pouvoir trancher dans la question et nous faire réconcilier avec l’un des piliers de notre identité. Ils nous définiront ce que c’est la langue, et les plus brillants d’entre eux, nous dirons que la langue est un dialecte avec une armée et une flotte. La darja n’est pas le langage de la rue, elle est l’exaltation de l’Algérie en toute sa splendeur. Il suffit d’écouter le patrimoine oral que nos ancêtres récitaient pour regagner la foi et le sourire en faire la base de notre avenir.
Par Helali Boumediene
Helali BOUMEDIENE