Interview avec Rochelle Potkar
Rochelle Potkar est poète et nouvelliste. Elle est l’auteure de Four Degrees of Separation et Paper Asylum – sélectionné pour le Prix littéraire Rabindranath Tagore 2020. Son film poétique Skirt a été très remarqué. Son recueil de nouvelles Bombay Hangovers vient de paraître. La nouvelle « Honneur » est extraite de ce livre.
Rochelle a été en résidence d’écriture aux États-Unis en 2015 dans le cadre de l’International Writing Program en Iowa. Elle obtenu en 2017 la bourse d’écrivain Charles Wallace de l’Université de Stirling en Grande-Bretagne. Elle a fait des lectures de ses poèmes en Inde, à Bali, aux États-Unis, à Macao, en Grande-Bretagne, à Hong-Kong, en Hongrie, au Bangladesh et en Côte d’Ivoire.
https://rochellepotkar.com

Comment votre poème “Jupe” a-t-il été accueilli dans votre pays ?
Il a été bien accueilli par les poètes et même des lecteurs qui ne lisent pas beaucoup de poésie. Il a été repris sur des sites populaires, ce qui m’a fait plaisir, parce qu’il est allé au-delà des lecteurs de littérature pour toucher le grand public.
Mais ce qui m’a vraiment surprise c’est la réception qu’il a eue en Occident. « The Visible Poetry Project, USA » a facilité la réalisation d’un film poétique à partir de ce poème par Philippa Collie Cousins – une cinéaste irlandaise, qui vit à Londres. Il a été ensuite sélectionné pour figurer sur le blog de la productrice américaine Shonda Rhimes : Shondaland.
Un vêtement comme la jupe a une résonnance universelle. Même en Inde, on fixe le sari sur une longue jupe de dessous. Il est question dans ce texte de la féminité, de la liberté et de la sexualité à travers le monde.
Quel est l’impact de l’oppression sur l’écriture des femmes ? (Thèmes, tonalité, etc…)
Pour se libérer de l’oppression, les femmes ont donné à leurs écrits une tonalité plus féroce, avec une langue acérée et précise – qu’il s’agisse de poèmes de protestation ou de résistance. Mais j’ai aussi rencontré des variations, avec de l’ironie, du sarcasme et de l’humour noir. Je crois que les femmes se servent de tonalités différentes pour faire passer leurs messages, en remettant en cause le genre littéraire et la forme, en retournant la structure narrative pour que le message passe, au-delà de la cacophonie des clichés.
Les femmes peuvent-elles changer leur statut par l’écriture ?
L’écriture, c’est comme l’éducation, trouver une voix et la donner aux textes, formuler un point de vue singulier qui soit différent de celui de l’oppresseur ou de celui qui observe à distance, renverser le paradigme de la narration et donc le texte. S’exprimer, c’est s’émanciper ou en tout cas le premier pas, avant la mise en pratique de la vie libre ou tout au moins plus libre qui en découle. Aucune femme n’est un archétype ou un stéréotype. Il y a tant de féminismes que plus les femmes s’exprimeront, plus nous parviendrons peut-être à former un large éventail de féminismes intersectionnels.
Propos recueillis par Cécile Oumhani

Cécile Oumhani est poète et romancière. Elle est notamment l’auteure de Les racines du mandarinier, Tunisian Yankee,romans parus chez Elyzad en 2016, ou encore de Marcher loin sous les nuages, recueil de poèmes publié par Apic éditions en 2018 et Mémoires inconnues, à La Tête à l’Envers en 2019. Elle traduit occasionnellement depuis l’anglais comme les textes des auteurs indiens du numéro 5 de la revue Apulée, ou avec Geetha Ganapathy-Doré, Paysages sans verbes, recueil de Debasish Lahiri, publié en 2021 chez Apic éditions. Elle participe à des festivals et des rencontres, comme à l’Institut français de Iasi en Roumanie en 2019 et 2021, à la Al Babtain Cultural Foundation au Koweit en 2021 via Zoom.
Rédaction