Trait-d'Union Magazine

Femmes à l’horizon toujours!

Quel bonheur – et quel honneur –, d’ouvrir ce nouveau numéro de Trait d’Union consacré aux femmes ! Je vis cette sollicitation comme la continuation d’années pleines, lumineuses et actives, dans les nombreux articles écrits sur ce sujet et dans les deux groupes de femmes auxquels j’ai appartenu (1984-1994) : « Présences de femmes » et « le groupe Aïcha ». Ils ont été un lieu où il était possible de parler, d’écrire et de penser en dehors des sentiers balisés par leurs publications et leurs débats. Le second a choisi le « marrainage » des Aïcha-s, tout en participant à des actions et table-rondes dans une société en pleine effervescence. Son petit manifeste… avec ces références : « Aïcha Vivante. VIVANTE comme Aïcha Bent Abi Bakr… Aïcha Bent Talha… Aïcha al-Mannubiyya… Aïcha Laabo… Aïcha Kandicha… Aïcha Radjel,…»

Trait d’Union fait le choix d’embrasser plus largement que l’Algérie et se mesure, avec raison et talent, à la Tunisie, très présente dans ce numéro, la Libye et la Mauritanie. Les femmes de ces pays se sont manifestées de tous temps dans le domaine artistique et littéraire en des gestes créatifs dévolus à certaines, repérées dans les familles et dans les villages, leur notoriété ne dépassant pas de leur berceau d’origine. C’est par l’accès lent et progressif à la modernité que quelques individualités vont se détacher du groupe indifférencié « des femmes » pour se lancer dans l’aventure périlleuse de l’écriture. A leurs côtés, les chanteuses, les danseuses, les cinéastes, les peintres, les humoristes et les conteuses, toutes ouvrent largement leur espace de création et de diffusion. Tradition et modernité sont étroitement dépendantes l’une de l’autre dans leurs œuvres ; les exemples pourraient être multipliés de leur conformité à la doxa de leur temps ou, plus souvent, de leur impertinence. Elles allient souvent la culture la plus ancienne et leurs rêves, leurs désirs, leurs contraintes dans le présent.

Comme l’a remarqué Fatima Mernissi, hommes et femmes au Maghreb – au sens du Grand Maghreb –, sont concernés par les recherches sur les femmes, par les femmes dans la création et, en conséquence, par la question du féminisme. Trait d’Union s’ouvre à des écritures masculines montrant ainsi leur contribution à ce combat d’égalité non encore achevé. A ce titre des dates incontournables sont à rappeler pour le Maghreb sur la voie ardue de l’égalité : en Tunisie, Le 13 août 1954 ; en Algérie, un recul s’opère par rapport à la Guerre de Libération nationale par l’adoption, en 1989, d’un code de la famille rétrograde ; au Maroc, ce fut la bataille autour de la Moudawana, adoptée en octobre 2003.

Cet arrière-fond politique et législatif doit toujours rester à l’esprit quand on savoure telle ou telle création. La grande variété des contributions qu’on va lire témoigne d’un renouvellement constant des formes et des styles du côté des femmes. Alliant poèmes, nouvelles, extraits de romans, cet ensemble offre aussi performances artistiques (peintures, photographies, installations) et essais sur la littérature et autres créations. C’est dire qu’on sort de cette lecture en affirmant avec une des essayistes que si l’écriture est femme, la création dans toutes ses inventions, est femme.

Il me semble intéressant de mettre la sortie de ce numéro en lien avec un livre collectif qui est sorti au début de cette année 2021, J’ai rêvé l’Algérie. Il est le fruit d’une collaboration entre la Fondation Friedrich Ebert Algérie et les éditions Barzakh [Ouvrage disponible (fichier pdf) sur le site : https://algeria.fes.de/publications].  Ici, pas de diversité de formes artistiques mais quatorze textes répartis entre fictions et témoignages avec sept auteurs et neuf autrices. Des écrivains confirmés côtoient des auteurs débutants.

D’un texte à l’autre, même quand ce n’est pas le sujet central, la présence des femmes s’impose. Pour Samir Toumi, ce sont Selma H. et Amira ; pour Hajar Bali, c’est Zohra, femme de l’ex-président déchu et aussi Atiqa, la vieille bonne dont ce président, comme tout homme, ne peut se passer pour survivre au quotidien ; pour Mohamed Larbi Merhom, c’est Betbota, de milieu pauvre mais devenue architecte ; pour Louisa Mankour, c’est le désespoir d’une neurologue face au désert médical qu’elle affronte chaque jour. Mais quatre textes s’imposent comme des coups de poing pour dire les impasses de la vie des femmes aujourd’hui et l’espoir d’un changement : celui de Wiam Awres, « La dernière danse », celui d’Atiqa Belhacène, « Capharnaüm » dans le milieu des prostituées, celui de Sarah Haïdar, « Petit scénario d’anticipation à l’usage des tyrans », dans une prison de femmes. Enfin, dans son « rêve », « Terre inconnue », Habiba Djahnine, s’interroge : « Avons-nous un pays de rêves ?/ Ou un pays de fantômes ? » La réponse qui s’énonce dit la lutte à poursuivre : « Je ne rêve pas pour l’Algérie / Année après année, j’apprivoise mes / cauchemars / Avons-nous tout perdu ? »

Une sortie collective n’en efface pas une autre : au contraire, les collectifs se valorisent l’un l’autre et leur lecture peut être accompagnée de ce si beau poème d’Andrée Chedid :

Doublant rocs et lacis

Ou remontant les canaux tranquilles

Stagnant parfois à en mourir

Ou chevauchant les tumultes

Dérivant sur l’eau plane

Affrontant les rafales

Et les volte-face du temps

Nous Naviguons dans l’aujourd’hui

Vers nos ombres futures

Christiane Chaulet Achour

Février 2021

Découvrez le numéro spécial Ana Hiya dans sa version intégrale

Auteur

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Directeur de la publication de Trait-d’Union magazine. Membre fondateur, Ex-président et actuel SG du CLEF Club Littéraire de l’Étudiant Francophone de l’université de Chlef. Journaliste et chroniqueur à L’hebdomadaire LE CHÉLIF. Membre du jury étudiant du Prix Goncourt choix de l'Algérie 1ère édition. Enseignant vacataire au département de français UHBC.

Ana Hiya !

Ana Hiya !

Cette mer est la mienne

La mer était toujours la solution !
Dans un paradoxe, de ce qu’est la mer pour nous, les peuples au-delà des mers, elle était toujours la solution !
Nous appartenons à ces mers et elles nous appartiennent … Quand tu t’enfuis vers elle, tu veux la vie, elle t’offre la vie.
Quand tu t’enfuis vers la mer pour une mort désirée, elle te guide vers la mort.

Itinéraires : Mouna JEMAL SIALA

De l’enracinement local au rayonnement continental, l’itinéraire de Mouna Jemal Siala est un modèle du genre : née à Paris, son enfance a connu plusieurs régions et plusieurs cultures, dans le sillage de la profession de son père, haut fonctionnaire, gouverneur et diplomate.

La littérature féminine d’expression Kabyle, rempart de la langue maternelle

Le paysage littéraire dans notre pays est en évolution permanente. Telle une prise de conscience, la femme s’est investie pleinement dans la production et œuvre ainsi à son essor. Cependant, ces dix dernières années, la littérature d’expression kabyle a connu une effervescence remarquable, particulièrement, avec l’émergence d’un nombre de plus en plus croissant d’auteures-femmes de romans écrits en leur langue maternelle, la langue chère à Mouloud Mammeri, Tamazight. Elles sont nombreuses, elles se comptent par dizaine, aux parcours et styles différents. Elles ont toutes cette chose en commun : l’envie d’écrire en sa langue maternelle !
« Ma langue chérie, je n’ai pu raconter l’histoire que par toi et je n’ai pu reconnaitre les choses que par tes mots ; je ne me suis réjouie avec les sens du parler que par tes dires, je m’aventure comme je veux et jamais je ne suis tombée dans le vide. Je n’ai pu prouver avec exactitude mon idée que par ta richesse et par la force de tes mots. », écrit Farida Sahoui, en s’adressant à sa langue maternelle dans l’un des chapitre de son livre écrit sur le Roi Jugurtha en trois langues (français, arabe, tamazight). A son compte trois livre depuis qu’elle a renoué avec sa plume en 2015. En effet, ses premiers écrits en Tamazight remontent aux années 90, des articles publiés dans le journal « Le Pays » (Tamurt).

Femmes du Maghreb, comme si cela datera d’aujourd’hui…

Il y a dans l’histoire de l’Humanité une vérité cachée qui n’est connue que par les avertis et les prévoyants. Ceux-là mêmes qui ne se laissent pas griser par les artifices de la « marchandisation » du monde. Mais cette vérité, quand bien même est altérée, voir muselée par les partisans du statuquo, ne saurait rester à jamais occultée. Et viendra le jour…

Un Cœur Exilé

Si les dernières années ont vu un vent de liberté souffler sur l’Algérie, une revendication cruciale peine à s’y faire accepter, comme un cheveu déposé sur la soupe du consensus : la question des droits des femmes semble éternellement problématique. Face à cette stagnation rageante, il est capital de continuer le combat afin d’améliorer la condition de la femme dans notre pays et au-delà.

Le pardon, la grâce des mères

En France les féminicides sont devenus une banalité médiatique. En écoutant la litanie des statistiques, je ne peux m’empêcher de revenir à mon enfance, et à ce sinistre jour bien particulier. Les souvenirs sont parfois aussi douloureux que les actes.

Ce qui reste de l’hiver

Longtemps, j’ai mis ma plus belle robe pour accueillir le 8 mars. Je me fardais avec subtilité, comme je sais si bien le faire, lâchais mes cheveux, mettais un manteau et des chaussures assortis et allais rejoindre deux ou trois copines pour un après-midi shopping, un café ou, parfois, un film à la Maison de la Culture. Je sais, vous trouvez ça ridicule, et peut-être que vous avez raison. Mais quand vous travaillez debout, du matin jusqu’au soir, tous les jours que Dieu fait, que vous devez supporter une marmaille d’enfants qui s’amusent ou se chamaillent pendant que vous vous tuez à leur expliquer le sens de telle phrase ou la moralité de tel texte, et que, une fois rentrée chez vous, vous devez vous occuper de deux mâles paresseux – votre mari et votre fils – eh bien, croyez-moi, vous guettez le moindre moment de détente. Quand, en dehors du 08 mars, ai-je le temps de voir mes amies ou d’aller à un gala ? Alors, pourquoi ne pas en profiter, mon Dieu ? C’est ce que je me suis dit pendant des années.

ROUGE IMPURE

Sang de mes menstrues. Sang de mes entrailles. دم الحيض. Sang cyclique. Sang impur, de la fille devenue femme. Femme-diablesse. Folle fieffée. Femme pécheresse. Âsiyah ! Ya latif, ya latif ! En ce premier jour de l’écoulement de mes menstrues, je serai confinée dans la pièce de mes supplices éternels, loin de l’odeur capiteuse du […]


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