Trait-d'Union Magazine

Faire date

Entendre les femmes, au moins un jour dans l’année, c’est écouter d’abord celles qui nous ont conçus et offert la vie. Avant même de louer leurs mérites et de défendre leurs droits fondamentaux, entendre les femmes et les voix de ceux qui prennent le temps de les écouter, c’est revenir à l’évidence que nous sommes tous issus du corps féminin, de cette molécule d’ADN, de cette alchimie de code génétique allié naturellement à celui de l’homme géniteur. Ne jamais perdre de vue cette notion-clé essentielle sans laquelle nous n’existerions pas. Nous vivons chaque seconde de notre existence de l’existence même du corps féminin qui nous a engendré, de son sang, de son souffle. Impossible de l’oublier, au risque de s’oublier soi-même. Comme nous avons habité le corps de nos mères, le corps de nos mères nous habite de la première seconde à la dernière seconde de nos existences. Ce sont nos demeures éternelles.

Et il aura fallu des siècles et des siècles de mépris, d’exploitation, d’asservissement, de persécution, d’exclusion, de viols, de féminicides, toute société confondue, pour célébrer cette moitié de l’humanité une journée par an ! Sans tomber dans une analyse réductrice ou pseudo-comportementale, il faut vraiment que certains individus soient animés d’un ego démesuré, éventuellement d’une aversion d’eux-mêmes, les extrêmes se rejoignent parfois dans l’anéantissement de l’autre, ou d’une mémoire très sélective, à moins que ce ne soit aussi le résultat inattendu et contraire d’ une éducation maternelle surprotectrice et privilégiée, pour arriver encore et toujours à cette maltraitance des femmes, à cette colonisation d’un genre par l’autre genre, qui persiste malgré nombre de débats et de réformes en vue d’une quête nécessaire d’égalité hommes-femmes.

Au nom de quelles doctrines, de quelles lois, de quels préceptes et principes, pouvons-nous oublier une seule seconde, qu’avant d’être différenciés sexuellement homme ou femme par un seul chromosome supplémentaire, notre corps a été lové et façonné au cœur de la femme qui nous a engendrés. Il fut un temps relativement récent et dans des pays un peu éloignés, où dès sa naissance un bébé de sexe féminin finissait automatiquement sous le tas de fumier des animaux du village. Certaines régions du monde ne trouvent actuellement plus d’épouses pour leurs fils tant les fillettes nouveau-nées ont été impunément supprimées pour des enjeux économiques. Combien de crimes pratiqués et peu sanctionnés sur toute la terre ont été et sont commis au nom d’une conception entachée de la femme ?

Découvrez le numéro spécial Ana Hiya dans sa version intégrale

De cette ébauche de bilan en forme de réquisitoire ou de plaidoyer, comme il plaira au lecteur d’envisager la coupe pleine de la situation, nous arrivons au temps fort de ce numéro spécial du magazine « Trait-d’Union » consacré, à l’occasion du 8 mars, à la Femme Maghrébine, qui a mobilisé les forces vives de l’écriture pour aborder la création artistique et les domaines les plus quotidiens où la femme exprime sa place, ses talents, avec constance, brio et générosité. Une esquisse de panorama des cinq pays du Maghreb, qui apporte des témoignages riches et variés sur celles qui, souvent, doivent conjuguer les devoirs domestiques avec leurs talents personnels pour ne pas léser la famille. La mémoire des fils le sait bien et le rappelle ici dans des récits très émouvants. Ces hommages personnels, témoignages, constats, essais, extraits de romans, réalisations artistiques, ont le mérite d’éclairer cette célébration de la Femme Maghrébine, mais également l’Histoire en devenir, dans laquelle celle-ci s’inscrit à part égale avec les hommes.

La multiplicité des angles de vues collectés pour ce magazine, tout auteur et auteure confondus, permet d’éclairer les consciences, de les enrichir de la connaissance d’un patrimoine féminin omniprésent, souvent oublié, d’effacer l’opacité de préjugés ou clichés qui pourrait se glisser entre le vécu quotidien et certains accommodements trompeurs qui font le lit de l’intolérance et de la discrimination.

N’oublions jamais le rôle déterminant et résistant des Femmes Maghrébines auprès de leurs frères combattants au cœur des révolutions et de leurs sacrifices contre les régimes oppressants. La planète change et l’individu aussi. L’accélération des actuelles contagions virales et leurs effets économiques désastreux qui acculent tous les peuples à modifier leur mode de vie pour survivre, ne tolère plus les différenciations de genre. Ironie du sort ou rappel d’évidences : il apparaît que le personnel soignant en première ligne, est composé presque essentiellement de femmes, qui ont déjà payé de leur vie un lourd tribut. Les Femmes Maghrébines ont depuis longtemps été parties prenantes des pays dans lesquels elles exercent leurs responsabilités et leurs talents à tous les niveaux de la société. Elles n’ont jamais cessé de montrer le chemin de l’émancipation de l’Individu, face aux entraves et adversités de toute sorte, ne serait-ce que pour la réussite sociale de leur progéniture. La littérature maghrébine ne manque pas de le souligner à travers de prodigieux portraits de femmes. Souhaitons à chacune de nos sœurs maghrébines et concitoyennes de cette Terre si malmenée, un 8 mars quotidien et universel, comblé de solidarités, d’espoirs et d’avancées concrètes avec tous ceux qui les soutiennent, pour que cette célébration prenne sens !

Auteur

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Jacqueline Brenot est née à Alger où elle a vécu jusqu’en 1969. Après des études de Droit, de Lettres Modernes et de Philosophie, elle devient Professeur Certifié de Lettres en Lycées, Collèges et Formation Adultes du Greta à Paris et dans la région parisienne. Conceptrice et animatrices d’ateliers d’Écriture et de Théâtre et de projets nombreux autour de la Citoyenneté, Jumelage de villes, Francophonie. Plasticienne avec le groupe Lettriste d’Isidore Isou. Assistante de projets de l’Astrophysicien et Plasticien, feu Jean-Marc Philippe (www.keo.org). Auteure de nouvelles et poèmes inédits, elle a publié « La Dame du Chemin des Crêtes-Alger-Marseille-Tozeur» chez L’Harmattan en 2007,dans la collection « Graveurs de Mémoire ». Participe à des ouvrages collectifs, comme « Une enfance dans la guerre » et « À L’école en Algérie des années 1930 à l’Indépendance » chez les Éditions Bleu Autour. Des nouvelles et de la poésie à la « Revue du Chèvrefeuille étoilée ». Chroniqueuse à l’hebdomadaire Le Chélif depuis février 2018, a publié « Œuvres en partage » Tome I et II, présentés au SILA 2019 à Alger.

Ana Hiya !

Ana Hiya !

Cette mer est la mienne

La mer était toujours la solution !
Dans un paradoxe, de ce qu’est la mer pour nous, les peuples au-delà des mers, elle était toujours la solution !
Nous appartenons à ces mers et elles nous appartiennent … Quand tu t’enfuis vers elle, tu veux la vie, elle t’offre la vie.
Quand tu t’enfuis vers la mer pour une mort désirée, elle te guide vers la mort.

Itinéraires : Mouna JEMAL SIALA

De l’enracinement local au rayonnement continental, l’itinéraire de Mouna Jemal Siala est un modèle du genre : née à Paris, son enfance a connu plusieurs régions et plusieurs cultures, dans le sillage de la profession de son père, haut fonctionnaire, gouverneur et diplomate.

La littérature féminine d’expression Kabyle, rempart de la langue maternelle

Le paysage littéraire dans notre pays est en évolution permanente. Telle une prise de conscience, la femme s’est investie pleinement dans la production et œuvre ainsi à son essor. Cependant, ces dix dernières années, la littérature d’expression kabyle a connu une effervescence remarquable, particulièrement, avec l’émergence d’un nombre de plus en plus croissant d’auteures-femmes de romans écrits en leur langue maternelle, la langue chère à Mouloud Mammeri, Tamazight. Elles sont nombreuses, elles se comptent par dizaine, aux parcours et styles différents. Elles ont toutes cette chose en commun : l’envie d’écrire en sa langue maternelle !
« Ma langue chérie, je n’ai pu raconter l’histoire que par toi et je n’ai pu reconnaitre les choses que par tes mots ; je ne me suis réjouie avec les sens du parler que par tes dires, je m’aventure comme je veux et jamais je ne suis tombée dans le vide. Je n’ai pu prouver avec exactitude mon idée que par ta richesse et par la force de tes mots. », écrit Farida Sahoui, en s’adressant à sa langue maternelle dans l’un des chapitre de son livre écrit sur le Roi Jugurtha en trois langues (français, arabe, tamazight). A son compte trois livre depuis qu’elle a renoué avec sa plume en 2015. En effet, ses premiers écrits en Tamazight remontent aux années 90, des articles publiés dans le journal « Le Pays » (Tamurt).

Femmes du Maghreb, comme si cela datera d’aujourd’hui…

Il y a dans l’histoire de l’Humanité une vérité cachée qui n’est connue que par les avertis et les prévoyants. Ceux-là mêmes qui ne se laissent pas griser par les artifices de la « marchandisation » du monde. Mais cette vérité, quand bien même est altérée, voir muselée par les partisans du statuquo, ne saurait rester à jamais occultée. Et viendra le jour…

Un Cœur Exilé

Si les dernières années ont vu un vent de liberté souffler sur l’Algérie, une revendication cruciale peine à s’y faire accepter, comme un cheveu déposé sur la soupe du consensus : la question des droits des femmes semble éternellement problématique. Face à cette stagnation rageante, il est capital de continuer le combat afin d’améliorer la condition de la femme dans notre pays et au-delà.

Le pardon, la grâce des mères

En France les féminicides sont devenus une banalité médiatique. En écoutant la litanie des statistiques, je ne peux m’empêcher de revenir à mon enfance, et à ce sinistre jour bien particulier. Les souvenirs sont parfois aussi douloureux que les actes.

Ce qui reste de l’hiver

Longtemps, j’ai mis ma plus belle robe pour accueillir le 8 mars. Je me fardais avec subtilité, comme je sais si bien le faire, lâchais mes cheveux, mettais un manteau et des chaussures assortis et allais rejoindre deux ou trois copines pour un après-midi shopping, un café ou, parfois, un film à la Maison de la Culture. Je sais, vous trouvez ça ridicule, et peut-être que vous avez raison. Mais quand vous travaillez debout, du matin jusqu’au soir, tous les jours que Dieu fait, que vous devez supporter une marmaille d’enfants qui s’amusent ou se chamaillent pendant que vous vous tuez à leur expliquer le sens de telle phrase ou la moralité de tel texte, et que, une fois rentrée chez vous, vous devez vous occuper de deux mâles paresseux – votre mari et votre fils – eh bien, croyez-moi, vous guettez le moindre moment de détente. Quand, en dehors du 08 mars, ai-je le temps de voir mes amies ou d’aller à un gala ? Alors, pourquoi ne pas en profiter, mon Dieu ? C’est ce que je me suis dit pendant des années.

ROUGE IMPURE

Sang de mes menstrues. Sang de mes entrailles. دم الحيض. Sang cyclique. Sang impur, de la fille devenue femme. Femme-diablesse. Folle fieffée. Femme pécheresse. Âsiyah ! Ya latif, ya latif ! En ce premier jour de l’écoulement de mes menstrues, je serai confinée dans la pièce de mes supplices éternels, loin de l’odeur capiteuse du […]


« Ana Hiya » La Femme Maghrébine Droit Dans Les Yeux

Numéros Spéciaux

Femmes du Maghreb, comme si cela datera d’aujourd’hui…

Il y a dans l’histoire de l’Humanité une vérité cachée qui n’est connue que par les avertis et les prévoyants. Ceux-là mêmes qui ne se laissent pas griser par les artifices de la « marchandisation » du monde. Mais cette vérité, quand bien même est altérée, voir muselée par les partisans du statuquo, ne saurait rester à jamais occultée. Et viendra le jour…

Ce qui reste de l’hiver

Longtemps, j’ai mis ma plus belle robe pour accueillir le 8 mars. Je me fardais avec subtilité, comme je sais si bien le faire, lâchais mes cheveux, mettais un manteau et des chaussures assortis et allais rejoindre deux ou trois copines pour un après-midi shopping, un café ou, parfois, un film à la Maison de la Culture. Je sais, vous trouvez ça ridicule, et peut-être que vous avez raison. Mais quand vous travaillez debout, du matin jusqu’au soir, tous les jours que Dieu fait, que vous devez supporter une marmaille d’enfants qui s’amusent ou se chamaillent pendant que vous vous tuez à leur expliquer le sens de telle phrase ou la moralité de tel texte, et que, une fois rentrée chez vous, vous devez vous occuper de deux mâles paresseux – votre mari et votre fils – eh bien, croyez-moi, vous guettez le moindre moment de détente. Quand, en dehors du 08 mars, ai-je le temps de voir mes amies ou d’aller à un gala ? Alors, pourquoi ne pas en profiter, mon Dieu ? C’est ce que je me suis dit pendant des années.

ROUGE IMPURE

Sang de mes menstrues. Sang de mes entrailles. دم الحيض. Sang cyclique. Sang impur, de la fille devenue femme. Femme-diablesse. Folle fieffée. Femme pécheresse. Âsiyah ! Ya latif, ya latif ! En ce premier jour de l’écoulement de mes menstrues, je serai confinée dans la pièce de mes supplices éternels, loin de l’odeur capiteuse du […]

Comment je suis devenue vélotaffeuse à Tunis…

« Comment réagiriez-vous si je venais enseigner à l’université à vélo ? ». Une question que j’ai posée il y a 9 ans, plus précisément en septembre 2011, à mes étudiants tunisiens au début de l’année universitaire. Moi, qui revenais définitivement m’installer en Tunisie après une expérience professionnelle en France où j’avais pris l’habitude d’aller enseigner à […]

Femmes de Kroumirie

La Kroumirie, est une région montagneuse du Maghreb, Située dans le nord-ouest de la Tunisie. N’est en pas une division administrative, son paysage géographique rend ses contours aisément identifiables, elle tient son nom des Kroumirs (peuple qui y vivait traditionnellement), d’un point de vue ethnique, les Kroumirs sont proches des Algériens du nord-est, voire des Kabyles.


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