Celles qui écrivent l’histoire au présent : Femmes haïtiennes, femmes de courage
Si je vous dis Haïti, vous ne verrez peut-être pas où se trouve cette île des grandes Antilles, à moins que vous ayez entendu parler du séisme dévastateur du 12 Janvier 2010. L’image que vous aurez en tête serait probablement celle d’une île de désolation expiant des décombres mortuaires par devant une population noire, grimée par la poussière. Elle s’éloigne bien de la carte postale de sable blanc, d’eau turquoise, de nature luxuriante et de soleil éternel véhiculée par les agences touristiques. Si Haïti renferme également ce patrimoine, elle a toujours détoné dans la région parce que la presse à lui être dédiée véhicule plus régulièrement l’indécence de la misère de son peuple et la délicatesse de sa politique locale. Tout comme dans tous pays pauvres, sa plus grande richesse réside dans son capital humain, sa culture, sa nature. Quand les institutions nationales ne suffisent pas pour garantir un mieux-être, l’équité, l’égalité des chances, la fraternité humaine prend évidemment le relais. Ce n’est pas cette solidarité avec des accents d’humanitaire popularisée par les grandes organisations internationales. C’est un vivre ensemble propulsé par un élan du cœur au nom d’une appartenance commune à une seule espèce : l’espèce humaine, et à une seule terre : la terre haïtienne.

Haïti est une terre-femme, une société métissée, patriarcale dans ses premières lignes de défense et matriarcale dans son essence. Elle est souvent représentée par une femme à la démarche altière dans une nudité originelle, à peine couverte par des bandes de tissus bleues et rouges constituant le drapeau. Ce drapeau a été cousu avec le cheveu crépu de la noire Catherine Flon, une des héroïnes de l’indépendance et fille naturelle du Père fondateur de la patrie. Pendant l’époque amérindienne de l’île, l’un de ses plus grands caciques a été une femme taïno : Anacaona. Aujourd’hui encore, le nom Anacaona est attitré à une femme haïtienne, belle, intelligente, subtile, déterminée. Et pendant l’époque contemporaine, le pays a été consacré à Notre-Dame du Perpétuel secours, à cause du miracle de la guérison de la petite vérole. Par conséquent, dans l’inconscient collectif, la femme a toujours été un pilier de la société, la pierre angulaire qui empêche encore l’écroulement de la maison-foyer, la maison candide, la maison-rempart. Elle a su garder la place de pièce maîtresse dans tous les aspects de la vie nationale. Elle est cette fourmi travailleuse qui garde infatigablement l’humilité de son parcours tout en accomplissant les tâches qu’elle a acceptées d’endosser.
La femme haïtienne se case souvent dans un anonymat silencieux, mais malheur à vous si vous pensez que cet anonymat est muet ! Vous la trouverez dès les premières lueurs du matin dans le dévouement de ces marchandes de légumes, de produits cosmétiques, de produits alimentaires qui se rendent vers les centres urbains pour écouler leurs produits.
Elles portent ces jupes amples aux couleurs chatoyantes qui facilitent le mouvement, et ces madras colorés qui amortissent le poids des produits sur leur tête. Sans elles, aucun petit déjeuner n’aurait pu être servi à temps sur la table des Madames de la capitale et de leurs enfants en partance pour l’école.
La femme haïtienne se retrouve dans ses Madames bien apprêtée, qui dirige leur maison et leur personnel avec une main de fer. Ces gardiennes créoles au français châtié veillent aussi bien à la transmission des valeurs d’élite, des valeurs culturelles promues civilisées, et des valeurs immobilières gagnées de par leur dot et de par leur mariage. Elles maintiennent les traditions d’une classe aisée qui revendiquent son authenticité par le biais d’une double nationalité aussi haïtienne. La femme haïtienne est également cette conductrice affairée déposant son mari au bureau avant d’emmener aux plus ses 3 enfants sentant bon la poudre de talc à l’école. En plus des fonctions moyennes ou grandes qu’elles peuvent occuper, toutes leurs actions convergent vers l’éducation de qualité de leurs enfants pour en faire les hauts dignitaires de demain. Elles font l’effort de garder leur coquetterie, malgré la charge mentale de leur emploi, de leur foyer, et d’un entourage exigeant envers ses paires féminines. La marchande de victuailles a, quant à elle, dû laisser le soin des préparatifs pour l’école à l’aînée ou à sa cousine ou à sa sœur célibataire. Toutefois, elle guette l’arrivée des enfants au marché, après les classes, avant de les présenter fièrement à ses voisines d’étalage.
Quelque soit leur origine, ces femmes haïtiennes d’aujourd’hui ont exprimé une préoccupation unique, constante : leurs progénitures. Quand elles ne veulent pas en avoir, elles adoptent leur société suivant une approche maternisante au nom de la justice sociale pour des générations à venir. Si vous leur demandez, mais après tant d’efforts consentis, pourquoi Haïti est si pauvre ? Elles répondront de leur sourire édenté, fardé, perlé qu’elles ont éduqué leurs enfants pour un monde meilleur. Elles ne sont pas responsables s’ils ne trouvent qu’ailleurs les moyens de ce noble ouvrage. Elles gardent l’espoir que ce monde se déplacera un jour, vers Haïti. Entre-temps, leurs investissements participent à la grande histoire de l’humanité, à défaut de l’histoire d’un pays !
Alexandra V. D. PIERRE,
Doctorante en géographie

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Abdelhakim YOUCEF ACHIRA
Directeur de la publication de Trait-d’Union magazine. Membre fondateur, Ex-président et actuel SG du CLEF Club Littéraire de l’Étudiant Francophone de l’université de Chlef. Journaliste et chroniqueur à L’hebdomadaire LE CHÉLIF. Membre du jury étudiant du Prix Goncourt choix de l'Algérie 1ère édition. Enseignant vacataire au département de français UHBC.