Ana hiya, hiya ana, ana houma, houma ana
Le tout réside dans cette petite phrase, cette suite de mots d’une logique que je croyais indéniable et d’une évidence indiscutable ! La vie associative, et les différents combats m’ont appris tant de choses et mes certitudes d’hier, s’évaporent une à une au fil des jours et des évènements.

Femme noire, Afro descendante, vivant dans une Tunisie dite « blanche » veut dire femme invisible, presque une ombre. Je ne suis de pas celles que l’on pourrait appeler une féministe pure et dure tout en étant intimement convaincue que le combat féministe est une locomotive, et que de ce combat peuvent naître, germer et éclore tous les combats pour l’égalité. Ma présence est toujours en accord avec mes valeurs et c’est la raison pour laquelle j’ai choisi de lutter contre tout complexe à la fois de supériorité et d’infériorité, les stéréotypes, la marginalisation et le « racisme » dans le respect des valeurs, des droits et des libertés.
Ce combat peut être porté par toute personne qui se reconnaît dans ces valeurs et ce quel que soit son genre. « Mnemty » est donc née de ce rêve de justice et d’égalité, ce rêve porteur d’espoir et d’espérance pour toutes ces femmes et ces hommes dont on a castré les voix, par oubli, par déni, par refus… Non je refuse et je pointe du doigt toute personne voulant m’exclure, nous exclure ! Congénères élevons nos voix et crions haut fort, revendiquons notre différence, notre présence, fondons-nous dans les foules et soyons les actrices et les acteurs de toutes les vies, politiques, sociales, culturelles …Ensemble luttons pour que l’égalité des conditions, sans discrimination aucune puisse être inscrite partout, pour que l’on puisse voir nos enfants grandir et s’épanouir dans une Tunisie, belle, plurielle, multiculturelle, multiethnique. Agissons pour que ce petit pays à la pointe de septentrion renoue avec sa belle et inaltérable histoire, une terre d’accueil si généreuse (mon pays a donné son nom au continent), sereine et paisible.
Droit dans les yeux en un mot comme en mille, dites-vous que « je suis une femme faite de toutes les femmes et qui les vaut toutes et que vaut n’importe qui » en espérant que Jean Paul Sartre ne m’en voudra pas pour avoir « féminisé » sa belle phrase « je suis un homme fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui ».
Par Saadia MOSBAH
Née à Tunis, Saadia Mosbah est une militante pour les droits de l’Homme. En 2013, elle crée l’association Mnemty, pour la lutte contre les actes racistes en Tunisie. Regrettant que la Constitution de 2014 soit imprécise sur les droits des minorités et la définition de la discrimination, regrettant aussi que les Noirs tunisiens soient peu représentés au gouvernement et à l’Assemblée des représentants du peuple, l’association Mnemty multiplie ses actions. Le but est de susciter un débat national sur ce sujet et d’obtenir la reconnaissance de l’esclavage comme un crime contre l’humanité. Saadia Mosbah contribue ainsi, par son action, à la large adoption (125 voix sur 131) de la loi antiraciste le 9 octobre 2018.
Abdelhakim YOUCEF ACHIRA
Directeur de la publication de Trait-d’Union magazine. Membre fondateur, Ex-président et actuel SG du CLEF Club Littéraire de l’Étudiant Francophone de l’université de Chlef. Journaliste et chroniqueur à L’hebdomadaire LE CHÉLIF. Membre du jury étudiant du Prix Goncourt choix de l'Algérie 1ère édition. Enseignant vacataire au département de français UHBC.