Algériennes, mes sœurs

Mon père disait : « C’est la femme qui tient la maison debout. » Quelle que soit la catastrophe, guerre, guérilla, séisme, incendie… Quel que soit le désastre. Il disait : « Une femme tient la maison debout jusqu’au Jour Dernier. » Elle, femme, mère, épouse.
Je dirai : « Une femme met au monde, elle tient le monde debout. Elle est la moitié du ciel et de la terre. »
J’ai toujours vu et imaginé, j’ai écrit les femmes du peuple de mon père comme des héroïnes. Elles sont les héroïnes de l’histoire et de la vie quotidienne, au jour le jour, à tous les instants, jour et nuit, héroïnes de ces vies minuscules et glorieuses.
Elles ont été si longtemps dans le silence, la patience, le dévouement… Aujourd’hui, elles se lèvent et elles crient dans la rue, les villes, les plaines et les montagnes, on les entend de l’autre côté des mers et des terres, loin dans l’univers.
Elles chantent, de leurs belles voix.
Elles chantent, grands-mères, mères et filles, la liberté, la vie retrouvée.
Le bonheur, elles l’attendent, il est là.
Les femmes du peuple de mon père, mes sœurs algériennes, vaincront.
L’Algérie sera « Algeria felix », l’Algérie heureuse.
Leïla Sebbar
Elle est née à Aflou, en Algérie, d’un père algérien et d’une mère française, instituteurs. Elle vit à Paris depuis 1965. Romancière, nouvelliste, essayiste. Ses derniers titres publiés en 2021 : Lettre à mon père, récit (Bleu autour), Leïla Sebbar et Isabelle Eberhardt, nouvelles (Bleu autour), De l’autre côté de la mer, c’est loin, nouvelles (Chèvre-feuille étoilée).