« Algérie, terre de feu et de lumière » de Rachid Ezziane : une fresque monumentale sur notre riche passé.
Dans son livre « Algérie, terre de feu et de lumière », paru aux éditions El-Maârifa, Rachid Ezziane a réussi la gageure de condenser deux millions d’années de notre histoire en 132 pages. Avec la manière en plus.

La plume est tonitruante, incisive mais aérée. On lit l’œuvre d’un trait ; une période emmène l’autre en une seule intrigue, comme si un aguellid (roi) ressuscitait dans un autre aguellid pour reprendre le même combat avec la même tactique, la même détermination et le même désir de vaincre pour la liberté. C’est ce qui caractérise ces farouches guerriers repoussant sans cesse les vagues successives d’envahisseurs comme les Phéniciens, les Romains, les Vandales, les Byzantins, les Portugais, les Espagnols, les Français. Le film est haletant. Il y a 90 siècles, juste après la civilisation caspienne, va faire son apparition le « Berbéro-Numide » qui sera considéré comme l’ancêtre de « l’Algérien moderne », et c’est sur cette terre gorgée de richesses que l’impavide aguellid Massinissa va lancer son cri de guerre qui va résonner sur le pays jusqu’en 1962, « L’Afrique aux Africains ». Son baptême du feu aura lieu pendant les trois guerres puniques où il terrassera Syphax sous le regard de Sophonisbe, la Carthaginoise et Scipion l’Africain.
Carthage va être effacée malgré l’intrépide Carthaginois Hannibal qui va traverser les Pyrénées et les Alpes avec ses 17 éléphants pour aller donner une véritable « correction » à Rome sur ses propres terres. A la mort de Massinissa, Jules César va romaniser la Numidie malgré la résistance de Jugurtha et Juba II. Puis Takfarinas va incarner ce refus de se soumettre jusqu’à la chute de l’empire romain en 410 après J.-C. Après les Vandales et les Byzantins, le Maghreb est conquis par Abou Mouhadjer Dinar et Okba Ibn Nafaâ en 681, puis Tarek Ibn Ziad et Ibn Noussaier fondent l’Andalousie en 711.
Au bruit des chevauchées fantastiques et des épées qui s’entrechoquent succède celui des conspirations de palais avec l’avènement des royaumes berbères (Fatimides, Idrissides, Almoravides, Zirides, Almohades, Zianides) qui va se solder par la décadence de 1492.
Après la Reconquista menée par la reine Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon, les Morisques vont refluer vers l’Afrique du Nord poursuivis par les Portugais et les Espagnols.
La tribu des Thaâliba qui gouvernait à cette époque Alger appelle à son secours les corsaires turcs Aroudj (l’homme au crochet) et son frère Kheireddine. L’Algérie est dès lors sous domination turque jusqu’en 1830. A partir de là, c’est la présence française qui va connaître la résistance de l’Emir Abdelkader et de Lalla Fatma n’Soumer. La guerre de Libération nationale va aboutir à l’indépendance de 1962.
Au-delà de ces repères historiques, qui rendent l’œuvre plus attrayante, ce sont ces petites notes qui par touches successives confectionnent un tableau épique saisissant. On apprend par exemple que le sud de notre pays n’a pas toujours été un désert. Il y a 9 000 ans, c’était un jardin luxuriant, arrosé par des pluies généreuses. Pendant les guerres puniques, ce sont les Numides qui apprirent aux Romains à se battre montés à cheval au lieu des chars encombrants. On apprend l’existence de ces royaumes berbères comme celui d’Atlantis au milieu de la Méditerranée ou un autre qui englobe l’Egypte et l’Ethiopie. On comprend alors pourquoi notre terre a été l’objet de tant de convoitises quand on prend connaissance de ce proverbe romain qui considère la Numidie comme le grenier de Rome. Les terres fertiles produisaient beaucoup de céréales avec lesquelles on faisait du pain mais aussi un délicieux couscous. Il y avait aussi l’élevage des ovins, des bovins, les volailles ainsi que les fauves qu’on vendait aux Romains pour le cirque et les gladiateurs. On possédait aussi à l’époque de Massinissa des matières premières de luxe comme le bois de thuya pour des tables de prix. On exportait aussi du marbre. On voit bien que l’économie au temps des Berbères faisait l’objet de toutes les attentions grâce aux techniques du célèbre agronome Magon que Massinissa a étudié quand il était à Carthage, notre passé n’était pas que guerres et combats. Voilà un livre que chaque Algérien doit lire pour bien connaître l’histoire de ses ancêtres.
Adel Hakim
Journaliste, Chroniqueur.