Agir par les mots… !
Imaginez un monde sans mots, imaginez un silence sans horizon, imaginez un espoir sans lumière, imaginez un cœur sans âme, imaginez un écrivain sans plume, imaginez c’est tout… Et le pouvoir des mots n’a pas de frontières, il sert à voyager entre les mondes, à découvrir les âmes perdues à cause de l’obscurité continue d’un temps où la liberté est prisonnière de l’oppression, où l’amour est toujours en question entre le cœur et la raison, là où l’écrivain s’engage à imaginer le monde ,à tapisser et à tisser les mots pour éclaircir les esprits et les cœurs perdus entre les rives et les rimes. C’est la poésie et la douceur des mots qui nous rassurent et nous prennent vers l’au-delà où règnent la paix et l’éternité des âmes.

C’est pour cela que j’ai choisi Fatiha Morechid poétesse et romancière marocaine, née le 14 mars 1958 à Bensliman, Maroc. Pédiatre de profession, elle a préparé et présenté un programme d’éducation sanitaire durant plusieurs années sur la chaîne de télévision 2M ainsi qu’une rubrique intitulée « Moment de poésie ». Membre de l’Union des écrivains du Maroc. Elle a participé à de nombreux événements culturels nationaux et internationaux et certains de ses ouvrages ont été traduits en plusieurs langues : français, anglais, espagnol, italien, turc, chinois, urdu … Lauréate du Prix du Maroc de Poésie 2010. Poète de huit recueils et six romans et une nouvelle.
Ce prénom « Fatiha » : « فاتحة » choisi par son père. Il était un enseignant de langue arabe. Il était très sélectif et original en choisissant ce prénom qu’elle admire puisqu’il renvoie à tant de significations comme « préambule », « ouverture » et « conquérante ».

Sa passion envers l’écriture a commencé à la fleur d’âge. , depuis qu’elle a découvert la magie des mots et son pouvoir de créer le monde par l’écriture. Ce qui l’a notamment poussé à écrire, d’après elle, c’est la confrontation avec autrui. C’est le besoin de s’éloigner et de s’évader entre les mots et d’exprimer les émotions les plus sincères. Et la littérature a existé dans sa vie bien avant la médecine. De plus la séparation de ses parents a marqué son enfance surtout qu’elle a grandi loin de sa mère. Cette séparation est le déclic de son inspiration. Pour elle, le mal est le moteur de la création. Son premier recueil « Ima’aat » parle de cette absence et cette amertume vécues depuis longtemps sans avoir le courage de pardonner à sa mère qu’après son mariage. Elle a compris que dans la vie, il faut accepter les décisions des autres et chacun sa destinée indépendamment car la vie n’est pas un fil continu des fois, le fil peut prendre une autre orientation que celle du bonheur pour une autre vie qu’on peut revendiquer.
« J’ai besoin d’une vie pour reprendre mon enfance
Tu as besoin d’une enfance pour grandir dans mon cœur
On a besoin d’une mort pour qu’on s’aime sincèrement »
Extrait de « Ima’aat » traduit par Fadwa Nejib Glissa
En tant que médecin, elle a souvent été confrontée à la mort et à la souffrance humaine sous ses yeux. Elle a constaté que ses patients n’ont pas peur de la mort mais de la manière avec laquelle ils vont mourir. Ce qui est intolérable pour l’être humain, c’est la perte de son humanité et de sa dignité. Et à partir de ses expériences professionnelles, elle a essayé d’aborder maints sujets pour sensibiliser ses lecteurs dans le roman ainsi que dans la poésie. Et en tant que femme arabe, elle a abordé des sujets tabous telle que l’homosexualité. Pour elle, la liberté et la créativité sont indispensables pour avoir un contenu équilibré contre la peur.
Dans une interview, elle a été questionnée sur le choix de s’exprimer en langue arabe. Elle a répondu en soulignant son attachement à sa langue maternelle : « c’est la langue de mon cœur, la langue de mes émotions et mes sensations profondes. La poésie se dégage de mon âme qu’en lettres arabes même si je lis beaucoup en français et rédige en français tous mes écrits en médecine ». D’autre part, « Étincelle d’ailleurs » est son premier recueil de poésie en langue française en 2017 à Paris Editions Unicité, collection « Poètes francophones planétaires ». Ce recueil est dédié à la mémoire de son frère qui s’est noyé en mer « qui défia la mer en l’épousant à jamais ». Dans ce recueil, Fatiha Morechid dévoile son état d’âme. Elle ouvre les morsures de son cœur les plus profondes et blessées en décrivant ce deuil et cette absence qui la traversent à chaque vague poétique. Poèmes intensément denses et profonds, voyageant entre l’amertume et la rencontre spirituelles qui semblent nécessaire au triomphe de la joie.
« Cette distance entre l’autre et soi
Entre soi et soi
Se consumer
À coup de froid
Et chercher dans les cendres
Une quelconque
Étincelle d’ailleurs
Échouée là »
Extrait du recueil « Etincelle d’ailleurs »
Agir par les mots, ce n’est pas un choix, c’est une arme contre toute obscurité qui peut traîner une société et la déstabilise.
Un mot peut tout reformuler
Un mot est l’écho de la société
Un mot est l’essence de la page vierge…
Agir par la poésie, c’est écrire, parler, critiquer et déchiffrer le silence à haute voix. Être écrivain permet d’approfondir la compréhension de la société, d’échapper aux obstacles et produire un autre mode de vie celui de l’imagination et de la création entre le papier et la société. La poésie, en tant qu’art, permet d’aller au-delà des limites. Grâce à elle, le poète trouve sa vocation en écrivant, souffrant, pleurant, imaginant et chantant. Elle a un pouvoir incantatoire. Ce sont les mots qui expriment le fin fond de l’âme, les sensations ineffables et dépeignent l’âme qui voyage dans les nuages sans fin.
Reprendre un souffle et écrire de la poésie où la musicalité transforme les rimes comme des ailes en prônant pour la liberté et la beauté car les mots permettent d’effleurer des univers inconnus et de traverser des océans inédits.
Par Fadwa Nejib Glissa
Enseignante de langue française, Fadwa Nejib Glissa est diplômée en littérature, langue et civilisation françaises de l’université de Sousse en Tunisie. Actuellement elle est inscrite en première année master FLE université des Antilles. Elle est aussi peintre et auteure de deux recueils « Quand on n’a que les mots… ! » publié aux éditions Edilivre à Paris 2021 et « Où es-tu ? » (Recueil en arabe) paru chez Alyssa édition et diffusion, Tunis 2021.
Rédaction